La Turquie et la Syrie
Le sérieux revers électoral
de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) et de son chef, Recep Tayyp Erdogan, aura surement des conséquences sur la
politique intérieure et étrangère turque. Expression d’un désaveu
de la mégalomanie de celui qu’on a surnommé le nouveau sultan, il brise son rêve
de modifier la Constitution et de s’arroger
plus de pouvoir. Il ouvre aussi une période
d’incertitude au vu la difficulté de former une coalition entre l’AKP et les
trois autres partis dont les positions sont non seulement très différentes des siennes, mais entre elles : le CHP, parti néo kémaliste laïc opposé à l’islamo
conservatisme de l’AKP, le HDP pro kurde, et le MHP, parti nationaliste d’extrême droite farouchement
opposé à toute concession
envers les Kurdes. Enfin il montre que
le courant laïc, héritier du kémalisme, n’a pas dis son dernier mot, ce qui pourrait mettre un frein à la
politique d’islamisation de l’AKP.
Sur la scène régionale, l’AKP a subi un
autre échec avec la déroute des Frères
Musulman en Egypte dont il avait été un des plus fervents soutiens. En Syrie
Erdogan n’a eu de cesse de réclamer la tête de Bachar el Assad. Ankara a apporté un soutien sans failles aux
organisations islamistes combattant le régime syrien. Et la Turquie, pourtant membre de l’OTAN et alliée
des Etats-Unis, constitue la base arrière
de Daech, sans doute autant par hostilité envers le régime syrien que du fait
de sa crainte de la constitution d’une entité kurde autonome à sa frontière
avec la Syrie. Il est trop tôt pour prédire ce que sera la nouvelle politique
turque envers la Syrie. Il est cependant probable que l’AKP soit amené à
composer avec les autres partis qui sont moins enclins à soutenir les groupes
jihadistes radicaux.
L’Iran, autre grande puissance régionale, est aussi sans
doute à la veille de connaître des
changements importants. Un éventuel accord sur le nucléaire suivi de la levée progressive des sanctions peuvent avoir
des répercussions sur sa politique étrangère,
en particulier en Syrie dont elle soutien le régime à bout de bras et à grand frais. De leurs
côtés, les Etats-Unis ne
veulent en au cas de l’installation d’un
pouvoir islamiste radical à Damas, et la
Russie semble souhaiter une solution politique qui préserve ses
intérêts, impliquant les forces les moins extrémistes de l’opposition
et des cadres du régime, quitte à sacrifier la personne de Bachar el Assad. Cela
pourrait entrouvrir à long terme la perspective d’un compromis. Mais il n’est
pas sûr que les
protagonistes locaux soient enclins à se
plier aux pressions de leurs parrains étrangers. On est encore très loin d’une solution. Sans compter que d’importants développements
militaires peuvent intervenir sur le terrain. En cas de nouveaux revers, le régime
pourrait être acculé à se replier sur un réduit allant de Damas au littoral en
passant par Homs et Hama. Daech et Al
Nosra ne manqueront pas de vouloir l’en déloger
et finiront probablement par s’engager
dans une lutte à mort pour contrôler les autres régions, notamment Alep, ce qui prolongerait
le conflit
Ibrahim Tabet
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