Friday, June 26, 2015

La Turquie et la Syrie
Le  sérieux revers électoral de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement)  et de son chef, Recep Tayyp Erdogan,  aura surement des conséquences sur la politique intérieure et étrangère  turque.  Expression d’un désaveu de la mégalomanie de celui qu’on a surnommé le nouveau sultan, il brise son rêve de  modifier la Constitution et de s’arroger  plus de pouvoir. Il ouvre aussi  une  période d’incertitude au vu la difficulté de former une coalition entre l’AKP et les trois autres partis dont les positions  sont non seulement  très différentes des siennes, mais  entre elles : le  CHP, parti néo kémaliste laïc opposé à   l’islamo conservatisme de l’AKP, le HDP pro kurde,  et le MHP,  parti nationaliste d’extrême droite farouchement  opposé à  toute concession envers les Kurdes. Enfin  il montre que le courant laïc, héritier du kémalisme,  n’a pas dis son dernier mot,  ce qui pourrait mettre un frein à  la politique d’islamisation de  l’AKP.     
Sur la scène régionale, l’AKP a  subi  un autre échec avec la  déroute des Frères Musulman  en Egypte dont il avait  été un des plus fervents soutiens. En Syrie Erdogan n’a eu de cesse de réclamer la tête de Bachar el Assad.  Ankara a apporté un soutien sans failles aux organisations islamistes combattant le régime syrien. Et la  Turquie, pourtant membre de l’OTAN et alliée des Etats-Unis,  constitue la base arrière de Daech, sans doute autant par hostilité envers le régime syrien que du fait de sa crainte de la constitution d’une entité kurde autonome à sa frontière avec la Syrie. Il est trop tôt pour prédire ce que sera la nouvelle politique turque envers la Syrie. Il est cependant probable que l’AKP soit amené à composer avec les autres partis qui sont moins enclins à soutenir les groupes jihadistes radicaux.

L’Iran, autre grande puissance régionale, est aussi sans doute à la veille de connaître  des changements   importants. Un éventuel accord sur  le nucléaire  suivi de  la levée progressive des sanctions peuvent avoir des répercussions sur sa  politique étrangère, en particulier en Syrie dont elle soutien le régime à  bout de bras et à  grand frais.   De leurs côtés, les Etats-Unis ne veulent en au cas  de l’installation d’un pouvoir islamiste radical à  Damas, et la Russie   semble  souhaiter une solution politique qui préserve ses  intérêts,  impliquant  les forces les moins extrémistes de l’opposition et des cadres du régime, quitte à  sacrifier la personne de Bachar el Assad. Cela  pourrait entrouvrir à long  terme la perspective d’un compromis. Mais  il  n’est pas sûr que les protagonistes locaux soient enclins à  se plier aux pressions de leurs parrains étrangers. On  est encore très loin d’une solution.  Sans compter que d’importants développements militaires peuvent intervenir sur le terrain. En cas de nouveaux revers, le régime pourrait être acculé à se replier sur un réduit allant de Damas au littoral en passant par Homs et Hama.  Daech et Al Nosra  ne manqueront pas de vouloir l’en déloger et  finiront probablement par s’engager dans une lutte à  mort pour  contrôler  les autres régions, notamment Alep, ce qui prolongerait le conflit

Ibrahim Tabet

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