De la genèse de l’idée de Dieu
« Je suis le commencement et la fin de tous les êtres
Et dans les vivants je suis la conscience.
Entre ceux qui ont descendance je suis l’amour
Entre les fleuves je suis le Gange.
Je suis le temps impérissable, la beauté, la gloire…
Et je suis la mort de tout, et je suis la naissance de tout »
Vers de la Baghavat Gita
« Tout homme va à
Dieu à
travers ses propres dieux »
Ghandi
Face aux mystères de l’univers, les hommes, ne pouvant que se livrer à des conjectures sur
ce qui est au delà de leur savoir, inventèrent les dieux. Seules instances à
avoir répondu durant des millénaires à
la question du sens et à l’angoisse de la mort, les religions exercent
une fonction à la fois
spirituelle (lien entre le sacré et le profane) et sociale (lien entre les
hommes). Faisant miroiter une promesse de vie éternelle dans l’au-delà, elles
sont aussi orientées vers l’ici-bas. Accomplir des rites conformes aux
commandements de la religion ayant pour fonction de produire des résultats
espérés en termes de santé, de prospérité, de bonheur ou de victoire. Non contente de vouloir régenter les consciences, la théologie a également prétendu pendant des siècles se mêler de cosmologie avant de consentir à laisser ce domaine de compétence à
la science et à se limiter à la question du salut.
Au cours de la préhistoire est apparue une forme
primitive de religiosité sacralisant la nature. Les rituels pratiqués par les chamanes avaient
pour fonction de communiquer avec ses forces
invisibles et les rituels de la
mort à l’idée qu’il existait une vie dans l’au-delà. Apparut également le culte
des esprits ancêtres. Il ne s’agissait
cependant pas encore de spiritualité mais d’une sorte de panthéisme. Les premières représentations de divinités
apparurent il y a seulement dix mille ans à l’aube du néolithique avec la sédentarisation et la naissance des cités. Aux rituels de la transe
chamanique succédèrent les prières des prêtres. Les esprits du tonnerre des orages et de la pluie furent
convertis en divinités sexuées. Et la
croyance que l’âme ne peut accéder à la
vie éternelle sans son enveloppe
charnelle entraîna la momification
des corps des pharaons dans l’Egypte ancienne.
Les déesses mères, symboles de fécondité et de fertilité, précédèrent les dieux, mais ces derniers
finirent par les supplanter avec la constitution de sociétés patriarcales.
Les rituels sacrificiels, qui avaient pour fonction de bénéficier de leur protection et de leurs bienfaits ou de conjurer leur courroux, firent
l’objet d’une surenchère débouchant sur les sacrifices humains. Les divinités égyptiennes
primitives zoomorphes ont laissé la place aux dieux anthropomorphes grecs, dotés
des mêmes passions et des mêmes travers que
les humains. Croyances critiquées par les
philosophes : Socrate qui sera condamné à mort pour impiété ; Platon et Aristote qui ont forgé par la raison
la conception d’un Etre premier, absolu
et bon, qui ressemblait fort au
Dieu de la révélation biblique et coranique. Comme tous les grands sages de l’Antiquité,
ils considéraient le polythéisme comme la religion du peuple. Pour eux, la multiplicité
des dieux ne faisait que symboliser les forces cosmiques émanant d’un Etre
suprême dont ils croyaient à l’unicité mais en réservaient l’enseignement à un cercle étroit d’initiés. Cet Etre suprême
était appelé « âme du monde » par
la théosophie et Brahma par l’Hindouisme.
Chaque cité, chaque État avait ses dieux que l’on invoquait en temps de paix ou de guerre.
La victoire d’une communauté était aussi la victoire de son propre dieu sur le
dieu étranger, du dieu le plus fort sur le dieu le plus faible. Aucun Etat conquérant ne nourrissait toutefois la prétention de convertir, de gré ou de force à ses dieux, les peuples
qu’il subjuguait. Témoignant du syncrétisme de l’Antiquité, Rome
édifia même un Panthéon abritant tous les dieux des peuples conquis. Avec la
constitution de grands Etats succédant aux cités-Etats apparut une
hiérarchisation des dieux, puis l’idée de
l’existence d’une divinité suprême mais non exclusive, faisant l’objet d’un
culte qualifié de monolâtrie, étape
intermédiaire entre le polythéisme et le monothéisme. C’est les
cas de Zeus, trônant au sommet de l’Olympe. D’Amon-Ré auquel
s’identifiaient les pharaons, à la fois
souverains absolus et prêtres suprêmes
de l’Égypte
antique, garants de l’ordre du monde. À Rome, les empereurs
étaient, eux aussi, divinisés et le culte impérial était mis au service de
l’intégration des peuples de l’Empire.
Les grandes religions de l’Antiquité avaient une
conception trinitaire de la divinité qui sera reprise par le christianisme.
Pour la théosophie ou sagesse des dieux,
le microcosme est par sa composition ternaire, à l’image du macrocosme, monde divin, humain et naturel, qui est
lui-même l’organe ineffable de Dieu, lequel est Père, Mère et Fils, essence,
substance et vie. A Osiris, Isis et Horus chez les Egyptiens, correspondaient Zeus,
Déméter et Apollon chez les Grecs, Brahma, Shiva et Vishnou chez les
Hindous. Incarnation de l’éternelle
énergie cosmique, Shiva tient dans sa
main gauche supérieure une langue de
feu, et dans sa main droite supérieure
le tambourin, représentant la musique, symbole de l’harmonie des lois de la nature. A
l’origine est le règne absolu de la flamme. Le feu s’abaisse. La matière s’éveille
et s’organise. La flamme fait place à la musique. Les gestes des autres mains
traduisent l’équilibre de la vie et de la mort dans le cycle des réincarnations
à l’issue duquel les âmes sont destinées
à fusionner avec le Brahma suprême.
Représentée par le disque solaire, source de vie, la
première idée d’un Dieu unique et exclusif
formulée par Akhenaton ne lui survécu pas. Puis, au bout d’une longue maturation, une partie de l’humanité s’est
ralliée à l’idée, formulée par une succession de
prophètes inspirés, d’un seul Dieu, à la fois transcendant, omnipotent,
omniscient, créateur de toute chose et éthique. C’est le cas des adeptes des trois religions du
Livre : juifs, chrétiens et musulmans. Toutes les trois croient à l’immortalité de l’âme, et font dépendre le
salut dans l’au-delà de la conduite ici-bas. Elles croient aussi à
l’existence de l’enfer et du paradis dont on ne sait s’il se situe au
« ciel » ou dans l’une des milliards de galaxies peuplant
notre univers.
Les premiers à se rallier à cette conception
du monothéisme furent les Hébreux.
Fruit d’une longue évolution, elle ne s’imposa définitivement qu’au Vie
siècle avant notre ère, contrairement à
l’assertion de la Bible qui la fait remonter à Abraham. C’est à la même époque que s’imposa en Perse un autre monothéisme, le
Zoroastrisme, adorant un Dieu unique et éthique, Ahura Mazda, qui, comme le Dieu de l’Ancien Testament, protège les fidèles et punit les pécheurs. Abraham ainsi que Moïse sont probablement des personnages légendaires
dont l’historicité n’est pas prouvée. Aucun texte égyptien ne mentionne
d’ailleurs l’existence de ce dernier, ni la réalité du récit de l’exode. La Bible est un mélange de récits de portée symboliques, comme celui
d’Adam et Ève, d’événements historiques plus ou moins avérés, de mythes
empruntés notamment à la culture
mésopotamienne, comme celui du déluge, ou de
Moïse
sauvé
des eaux. Elle est également
destinée à légitimer les notions de peuple élu et de
terre promise, ce qui explique la lecture littérale qu’en font les juifs orthodoxes.
C’est le cas aussi des protestants fondamentalistes américains qui, rejetant toute critique rationnelle de la Bible, nient
la théorie évolutionniste de Darwin et défendent la thèse du créationnisme affirmant
la création directe de l’humanité par Dieu.
Le Dieu de
l’Ancien testament était un Dieu jaloux et guerrier.
Dans la Torah, Yahvé donne souvent à Israël l’ordre de partir en guerre contre
les autres nations. « Tu démoliras leurs autels, tu briseras leurs
stèles, tu brûleras
leurs idoles, tu ne laisseras pas subsister aucun être vivant dans les villes
que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage » proclame le Deutéronome. Moïse et ses successeurs ne se privèrent pas d’ordonner des massacres au nom de Dieu. Ce n’est qu’après le retour de l’exil à
Babylone, que les prophètes tardifs développèrent
une littérature de sagesse traduisant un questionnement spirituel et brossant dans les
psaumes l’image d’un Dieu aimant et
compatissant, proche du cœur des fidèles.
Et le livre de Job tenta de concilier la coexistence du mal et de Dieu.
A la différence de l’attente des Hébreux, Jésus se présenta comme un Messie uniquement spirituel dont le royaume n’est pas de ce monde. Il fera du
Dieu d’Israël un Dieu
d’amour. Mais il n’a pas voulu abroger
la loi juive. C’est l’apôtre Paul qui a fondé une nouvelle religion de salut universel distincte du judaïsme. A l’ancienne alliance
entre Dieu et le peuple élu succède une nouvelle alliance entre Dieu et l’ensemble de l’humanité fondée sur la foi en la divinité du Christ affirmée par les évangiles. A la différence des évangiles synoptiques
de Luc, Mathieu, et Marc, c’est surtout le cas
de celui, plus tardif, de Saint Jean, le seul où sa divinité est
explicitement mise dans la bouche de Jésus, et qui en fait l’incarnation du logos divin. Il se peut que le récit de sa vie, tel que relaté dans les évangiles
canoniques, rédigés bien après sa mort, soit en partie mythique. Et des
miracles comme la résurrection de Lazare ont peut être été inventés pour les
besoins de la cause. Mais cela n’enlève rien au fait qu’aucun prophète, y
compris Bouddha, n’ait enseigné des principes moraux et éthiques aussi élevés
et aussi ambitieux.
De
la croyance que Jésus est fils de Dieu on passa à la croyance qu’il est Dieu fait homme, puis
au mystère de la trinité. Les dogmes
fondateurs de la doctrine chrétienne n’ont été élaborés par les
quatre conciles œcuméniques (Nicée, Constantinople, Ephèse et Chalcédoine) qu’à
la suite de longues controverses trinitaires et christologiques. Il a fallu
trois siècles à l’Eglise pour proclamer le dogme de la trinité et pour résoudre
la question des relations entre Jésus-Christ et Dieu le Père. Est-il Dieu comme
lui et ayant la même substance ? Ou un être divin créé par lui et subordonné à
lui, comme le professait l’arianisme ? Dans la relation au Saint Esprit, la
mention « filioque » a été, et demeure toujours, un sujet de controverse entre
l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe. La question étant : de qui procède
le Saint Esprit, du Père seulement ou du Père et du Fils ? Quant aux querelles
christologiques elles portaient sur la coexistence en Jésus de l’humain et du
divin. Au Ve siècle l’hérésie nestorienne qui veut distinguer en lui l’homme et
le fils de Dieu, ainsi que le monophysisme pour qui le Messie a une seule
nature, divine, on fait l’objet d’une double condamnation derrière laquelle se
profilaient des oppositions politiques et culturelles entre Constantinople et
Alexandrie, Grecs et Sémites orientaux. Jusqu'à la Renaissance il ne
fut pas permis à l’homme occidental d’avoir d’autre pensée que la pensée
chrétienne. Pour Saint Augustin tout s’explique par l’influence du créateur.
L’autorité de l’Écriture est supérieure à tous les efforts de l’intelligence
humaine. Il ne faut donc pas chercher à comprendre l’univers et à étudier le
monde sensible. La foi suffit.
L’idée
d’un Dieu unique, ne pouvait qu’entrer en collision avec le polythéisme antique
et le syncrétisme de la société romano-hellénique. Ce fut surtout le cas du
Dieu universel des chrétiens qui, contrairement au Dieu national juif, est porteur
d’un projet eschatologique qui doit sauver l’humanité entière. La conversion de Constantin, puis la
proclamation du christianisme comme religion d’Etat par Théodose marquent
le début de ce que Arnold Toynbee
a qualifié de « plus
grand désastre qui soit arrivée à la chrétienté : l’immixtion de César
dans les affaires de Dieu, et de l’Église
de Dieu dans les affaires de César ». A
partir de ce moment, toute atteinte à l’Église
devient une trahison envers l’État. Bien que le Christ ait prêché une religion
d’amour, le christianisme institutionnalisé, contribua à légitimer la
violence la plus brutale. De persécutée
au nom du Christ l’Eglise devint persécutrice en son nom. Contrairement à l’enseignement
du Christ, elle a prétendu imposer la primauté du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Et, en contradiction avec le message
évangélique de pauvreté, les papes de La
Renaissance furent aussi des chefs
politiques et de guerre, avides de
pouvoir et de richesses matérielles. Abus à l’origine de la Réforme protestante
qui prône une émancipation du pouvoir des clercs et de la papauté pour revenir
aux principes de l’évangile. Puis de la Contre-réforme qui enclencha un processus conduisant l’Église
catholique à se concentrer finalement,
sous la pression des pouvoirs séculiers, et non sans résistance, à sa mission
spirituelle, morale et sociale ; et, depuis le concile Vatican II, à se prononcer
pour un dialogue avec les autres
religions, au grand dam des catholiques intégristes, disciple de Mgr. Lefebvre.
Dernière
née des religions monothéiste l’islam est revenu à l’unicité de Dieu proclamée par le judaïsme. Un Dieu
transcendantal, invisible, clément et miséricordieux. Mahomet
fut à la fois un prophète, un législateur, un fondateur d’État et un chef
militaire. Se présentant comme envoyé de Dieu, il ne voulait pas d’abord créer une religion nouvelle mais
revenir à la foi originelle
d’Abraham. Se proclamant comme le sceau des prophètes, il ne prônait pas une rupture
avec le judaïsme et le christianisme, dont il respectait les livres saints,
mais déclarait vouloir leur accomplissement et leur dépassement. Celui du
monothéisme bancal du christianisme qui scinde Dieu en trois entités, et celui de la notion judaïque de peuple élu,
remplacée par une religion universelle. Mais
les réticences des chrétiens et l’opposition des juifs poussèrent le Prophète à
prendre ses distances avec eux. Pour marquer cette rupture, il invite ses
fidèles à ne plus prier vers Jérusalem mais désormais vers La Mecque. Alors qu’à La Mecque sa prédication revêtait un caractère
religieux et liturgique, et donnait en
exemple aux croyants la miséricorde divine à partir de l’hégire les
sourates médinoises prirent une
orientation nettement politique, sociétale et législative. Le Coran compte plusieurs versets qui
exaltent la guerre sainte, le jihad, même si certains d’entre eux ont été
interprétés comme des incitations à l’effort sur soi-même. Et l’islam se propagea par la conquête tout en ne cherchant pas à
convertir de force les peuples soumis à sa domination, conformément à un verset
qui déclare : « pas de contrainte en religion ». A la différence
du catholicisme confronté au défi du protestantisme et qui a accompli son aggiornamento, l’islam sunnite, n’est pas parvenu à se réformer. La croyance que le
Coran est la parole incréée de Dieu constitue un obstacle à son
exégèse, malgré les efforts d’interprétation (ijtihad) du Hanafisme,
la plus libérale et la plus souple des quatre écoles juridiques sunnites. Faisant preuve d’un plus grand esprit
d’ouverture, les clercs chiites élaborèrent tout un corpus doctrinal destiné à
donner une réponse aux défis du monde moderne.
A la différance des
musulmans, les druzes professent une religion syncrétique qui vénère sept incarnations de leur divinité, parmi lesquelles figurent Pythagore, Moïse, le Christ, Mahomet et le calife fatimide Al Hakim, inspirateur de leur
religion au Xe siècle.
Les religions peuvent inspirer le meilleur comme le pire :
des saints et des soufis mystiques, comme des soldats autoproclamés
de Dieu perpétrant des atrocités en son nom. La croyance en un Dieu unique et
universel engendre la croyance en une vérité unique et universelle et, de là à
vouloir l’imposer au monde entier, le pas est vite franchi. L’histoire des
religions monothéistes est entachée de multiples exemples d’intolérance et de
fanatisme. Alors que l’Empire romain païen avait réussi à intégrer les peuples
conquis en admettant tous leurs dieux dans son panthéon, le monothéisme des
chrétiens, des musulmans et des juifs est devenu une source d’exclusion et «
d’identités meurtrières ». Censées favoriser la paix, les religions sont pourtant devenues l’un des leviers de
guerre les plus puissants. De ce point de vue les musulmans sont d’avantage en
accord avec l’enseignement et l’exemple de Mahomet qui fut aussi un chef politique et de guerre
que les chrétiens avec celui du Christ qui se fit l’apôtre de la non-violence.
Cela dit l’évolution
de la chrétienté et de l’islam et en matière de tolérance s’est faite en sens
inverse. Et alors qu’aujourd’hui ce dernier est le théâtre d’une recrudescence
d’intolérance, cela a été longtemps le cas de la chrétienté
En raison de l’absence de dogmes, les croyances indiennes,
chinoises et japonaises ne sont pas exclusives comme les religions
monothéistes. Elles admettent la pluralité des voies pour atteindre la
libération. En Chine, une même personne peut être à la fois bouddhiste, taôiste
et confucéenne, et au Japon se marier selon le rite shintoïste et avoir des
funérailles bouddhistes. En outre l’idée d’un Dieu personnel est absente des
sagesses asiatiques. Pour Bouddha c’est perdre son temps que de spéculer
vainement sur les questions métaphysiques, l’existence ou non d’un être suprême
étant inaccessible à la raison et à l’expérience.
La
position de la pensée occidentale est différente. Nombre
de philosophes et de scientifiques, même athées ou agnostiques, estiment qu’il
existe probablement une intelligence suprême derrière la création. Pour eux l’évolution de l’univers, ainsi que la montée
de la complexité qui a finalement accouché de la conscience, ne saurait être uniquement
le fruit du hasard. C’était déjà l’opinion de Voltaire qui, critiquant le théisme « inventé par les prêtres »,
prônait un déisme postulant l’existence d’un
Grand-Horloger s’apparentant au Grand-Architecte de l’univers des Francs-maçons. Dans sa lutte pour instaurer une
« religion de la raison », la philosophie des Lumières, considérait la religion comme une
superstition dépassée, du moins en Europe, qui aurait atteint « l’âge
adulte de l’humanité » selon l’expression de Kant. C’est
aussi la thèse d’Auguste Comte auteur
de la loi des trois états selon laquelle l'esprit humain passe successivement
par « l'âge théologique », et par « l'âge métaphysique »,
pour aboutir enfin à « l'âge positif ». Et Max Weber
a fait de l’histoire de l’Occident moderne celle du « désenchantement du
monde », de la sortie du monde magique de la religion. Il souligne l’importance du
processus de rationalisation caractérisé par l’effacement de la croyance
irrationnelle dans l’action de Dieu dans le monde.
Il n’y a que dans une Europe occidentale
largement déchristianisée où la
religion ne fonde plus le lien collectif et où le sens du sacré
s’est largement perdu. Depuis le
dernier quart du XXe siècle le
monde est le théâtre d’un « retour
du religieux », aussi soudain que généralisé. Phénomène qui semble donner
raison à Malraux qui prophétisait :
le « Le XXIe siècle
sera religieux ou ne sera pas », contre Nietzche qui avait prononcé la
mort de Dieu. Sauf que cette « revanche de Dieu » selon l’expression
de Gilles Kepel, reflète moins un regain de foi qu’une quête d’identité en
réaction au « désenchantement du
monde » et un recours à la religion à des fins politiques. Et, s’il touche toutes les religions et tous les
continents, c’est surtout au sein de l’islam qu’il se manifeste de la manière
la plus radicale et la plus violente.
Avec le risque que ne se rallume
l’antagonisme millénaire entre l’islam et la chrétienté et ne réalise une autre prophétie :
celle du choc des civilisations.
Ibrahim
Tabet