Thursday, October 22, 2015

Pour  une renaissance francophone.
 La tenue  en octobre du salon  du livre francophone de Beyrouth  illustre la vitalité de  la Francophonie au Liban, bien que  les  motifs de préoccupation concernant  son avenir ne manquent malheureusement pas. Le dernier en date est le choix,  dénoncé par Sibylle Rizk, d’exclure le français de la  signalétique du musée Sursock qui est exclusivement en arabe et en anglais. L’occultation , délibérée  ou non,  par  la municipalité de Beyrouth et  Solidere du   patrimoine et  de la   mémoire culturelle de la ville  s’est a  aussi  manifestée quand la baie du Saint- Georges  a été rebaptisée de l’affreux nom de « Zaitouna bay ».   Quant à la domination  par l’anglais du monde économique et  des affaires,  elle est presque totale.  Qu’il s’agisse de la communication interne ou de la correspondance des entreprises. Des enseignes  de magasins  et des  marques commerciales. Des  banques, dont plusieurs  ont anglicisé  leur nom à  l’instar de la banque de la Méditerranée devenue Bank Med.  Ou enfin des  campagnes de publicité où  l’anglais  supplante le  français même dans la presse locale d’expression française.   Je n’ai rien contre  la pratique de l’anglais  devenu  la langue de communication internationale. Mais  ce  n’est pour  moi qu’une langue outil  contrairement au français,  qui est ma langue maternelle et de culture.
Il y a quelques jours Jacques Séguéla en visite au Liban  a exprimé sa confiance dans l’avenir de la francophonie lié d’après lui  à deux facteurs.  La vitalité démographique de la France  dont la population dépassera celle de l’Allemagne d’ici  vingt  ans. Et  la croissance  extrêmement rapide de la population de l’Afrique qui compte  déjà le plus grand nombre de francophones dans le monde. Son charisme et son enthousiasme communicatif m’ont rappelé  mes débuts dans la publicité au sein d’une agence appartenant à son groupe,  quand il pourfendait l’hégémonie  mondiale de la culture de masse américaine qualifiée pas lui de «  cocacolonisation ». Le  virus qu’il m’a inoculé m’a conduit à militer au sein de l’Association des Publicitaires Francophones puis du Forum  Francophone des  affaires. Et j’ai été nommé récemment à la tête de la délégation de la Renaissance Française au Liban.   Fondée en 1915 par   Raymond Poincaré,  président de la République à l’époque,  cette organisation  dont la devise est «  Culture, Solidarité, Francophonie »   a pour mission  de participer, dans un esprit de partage et de dialogue, au rayonnement de la langue française, de la culture française et francophone, et des valeurs de la francophonie dans le monde. 
Une  table ronde  sur la littérature francophone organisée  à Paris par cette association m’a donné l’occasion  d’exprimer  ma confiance  à  propos de  la résilience de la francophonie libanaise. Rappelant que l’histoire  du Liban a toujours  été  placée sous le signe du multilinguisme et du multiculturalisme, j’ai souligné que  son  cas au sein de la communauté des pays francophones est  unique.  L’introduction du français qui date du XIXe siècle n’y est pas liée à la domination coloniale mais s’est faite à travers les missions catholiques accueillies à bras ouverts par les chrétiens d’Orient en particulier les Maronites.  Les gouvernements français successifs qui font de la promotion de la langue et de la culture française un vecteur essentiel d’influence ne manquent pas de soutenir leur action éducative même au plus fort de la vague anticléricale sous la Troisième République.  A l’époque, c’est surtout  les chrétiens  qui en bénéficient ;  et certains d’entre eux y voient un des fondements de l’identité culturelle du Liban  et de sa spécificité  face à son environnement. Ce courant de pensée est  représenté dans l’entre deux guerres  mondiales par  la  « Revue phénicienne »  fondée par Charles Corm.   Son ouvrage majeur est «  La Montagne inspirée », épopée qui  défend  en vers alexandrins  avec des accents barrésiens  l’idée que les racines de la nation libanaise sont bien antérieures à son arabisation et remontent aux Phéniciens. 
Pour le père Selim Abou ancien recteur de l’USJ : «  les Libanais peuvent être trilingues. Mais ce qui a contribué à forger leur identité nationale, c’est le français dans sa conjonction étroite avec l’arabe. Aux côtés de l’arabe, langue nationale du pays, le français est vécu non seulement comme une langue de communication, mais comme une langue de formation et de culture à  portée identitaire. »   Aujourd’hui La pratique du français est  moins liée à des  facteurs   confessionnels  que socio-économiques. Si  les chrétiens sont  majoritairement francophones, alors que les musulmans sont plutôt anglophones, cette différence tend  à s’estomper. Et  bien que l’anglais domine la sphère des affaires, des medias audiovisuels, de la toile de la publicité, le français conserve ses bastions traditionnels, à savoir l’enseignement,  et le livre ainsi que la culture dite classique.  La presse locale d’expression française jouit d’une diffusion et d’une part du marché publicitaire très largement supérieur à celles des titres anglophones. Et, « L’Orient- Le Jour » compte même  un supplément  mensuel  consacre a la littérature française :   « l’Orient Littéraire ». L’édition locale de livres en français est en progression. Et la liste des  auteurs libanais ou d’origine libanaise francophones s’enrichit chaque année de nouveaux noms, même si tous ne sont pas aussi connus par le public français que des auteurs comme Amine Maalouf, prix Goncourt et membre de l’Académie française. Cette   vitalité témoigne   non seulement de  l’enracinement profond mais d’une certaine renaissance de la francophonie  au Liban.   Et le succès de l’ESA montre qu’il y a une place pour un enseignement  supérieur d’excellence du management en français.   Il n’y a donc  aucun  risque que le français  ne connaisse un jour le même sort qu’en Égypte  qui comptait-il y a une génération à peine, un nombre important de francophones.  

Ibrahim Tabet 

Tuesday, October 6, 2015

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