https://www.youtube.com/watch?v=V_W_8z_ieJc&feature=youtu.be
Wednesday, May 31, 2017
Saturday, May 20, 2017
Vers «l’homo deus » ?
C’est en Afrique, berceau de
l’humanité, qu’apparut l’australopithèque, premier hominidé bipède, il y a environ 4,2 millions d’années.
La libération des mains que permet la position debout entraîna à son tour l’accroissement de la
taille du cerveau qui distingue l’espèce homo des singes. Il s’est passé autour
de 2 millions d’années entre cette
apparition et celle de l’homo habilis qui développa l’utilisation des outils de
l’âge de pierre, puis celle de l’homo erectus. Elle fut suivie par la naissance des Néandertaliens dont la branche n’eut pas
de postérité et enfin, il y deux-cents
mille ans de l’homo sapiens qui représente
le stade final de la transformation anatomique de l’espèce. Alors
qu’elle était sujette aux lois de la
nature, l’évolution de l’humanité est désormais uniquement le produit de la
culture. Notre ancêtre maitrisait déjà
des rudiments de langage il y a environ
70000 ans. Puis, survint, il y a dix mille ans au néolithique, l’invention de l’agriculture au Proche-Orient,
entraînant la transformation
progressive des chasseurs-cueilleurs du
paléolithique (dont il existe encore des clans en Amazonie) en
agriculteurs-éleveurs. C’est aux Sumériens
qui créèrent la plus ancienne civilisation du monde que l’on doit l’invention de l’écriture il y a
5000 ans. On assiste dès lors à une accélération du changement. Il
s’écoule par exemple dans le domaine technologique 4500 ans entre l’invention
de l’écriture et celle de l’imprimerie (en 1450). Cinq cents ans entre cette
dernière et le lancement du premier ordinateur commercial (en 1952) et moins de
soixante ans entre celui-ci et celui des
Smartphones. Ces progrès se sont accompagnés d’une évolution parallèle des croyances religieuses. Ce n’est pas grâce à l’utilisation de la
pierre polie, c’est par la première tombe que l’homo sapiens se distingue des
premiers hominidés. Les rituels de la mort attestés par les objets enterrés
autour des corps des défunts témoignaient de l’idée qu’il existait une vie dans
l’au-delà. La croyance en
l’existence de causes surnaturelles aux événements naturels entraîna
l’apparition, au cours du paléolithique, de l’animisme, forme primitive de
religiosité sacralisant la nature. De l’animisme préhistorique, l’humanité est
passée à l’hénothéisme (culte d’un dieu des dieux) puis, s’agissant des trois religions
abrahamiques, au monothéisme. Selon la théorie évolutionniste dominante,
chacune de ces grandes phases de l’histoire des religions représente un progrès
par rapport à la phase précédente ; la pensée religieuse évoluant vers une
sophistication et une abstraction plus grande. La question de savoir si le
monothéisme constitue un progrès par rapport au polythéisme antique et aux autres
croyances reste cependant posée. L’idée de l’unicité de Dieu est certes plus
satisfaisante intellectuellement, mais celle du Dieu personnel des trois
monothéismes – « Humain trop humain »
- ne l’est pas davantage que celle d’un Absolu impersonnel formulée par
l’hindouisme. Et force est de constater que les religions monothéistes n’ont
pas toujours représenté une avancée au plan moral. Aujourd’hui encore, la
majorité des hommes vit sous l’influence de religions non monothéistes et n’en
prônent pas moins des idéaux éthiques. Les religions n’échappent pas à la loi
du changement. L’idée qu’on se fait de Dieu n’est plus la même aujourd’hui
qu’hier. Et Max Weber fait de l’histoire
de la modernité, celle du « désenchantement du monde », de la sortie
du monde magique de la religion et de la croyance irrationnelle dans l’action
de Dieu dans le monde. La sortie du religieux pourrait finalement signifier
« la mort de Dieu » enterré prématurément par Nietzsche. A moins que le
courant individualiste et éclectique illustré par la fascination de l’Occident
pour le bouddhisme ou le vedanta, ne conduise de plus en plus d’individus à se
faire une religion à la carte. Ou que la
tendance au syncrétisme incarnée entre-autres par le mouvement « New
age » ne mène dans un lointain avenir à l’avènement d’une religion
universelle ; laquelle selon Einstein sera
une religion cosmique qui devra transcender l'idée d'un Dieu existant en personne
et éviter les assertions dogmatiques réfutées par la science. Ces
scenarios excluent l’hypothèse d’une disparition de la religion.
« Le cœur a ses
raisons que la raison ignore » disait Pascal. La religion s’adresse
au cœur et la science à la raison. Mais l’homme a besoin des deux. Il porte en
lui une angoisse existentielle que ne pourra jamais satisfaire la science
expérimentale. Sur
un autre plan l’idée que l’homme n’est qu’une étape de l’évolution vers un être
supérieur formulée par des penseurs comme Nietzsche, Sri Aurobindo, Teilhard de
Chardin et Carl Jung est en passe de devenir réalité. Cet « homme augmenté » ne sera
cependant pas le produit d’une sélection naturelle. Pour « devenir ce
qu’il est », selon les termes de Nietzsche, l’homme prendra le relai de la
création de la main de Dieu. La convergence des biotechnologies, du génie
génétique et des technologies de l’information laisse en effet prévoir la naissance d’une
post-humanité comptant parmi ses rangs des « homo
deus » (titre de l’ouvrage de l’historien israélien Yuval Noah Harari)
presque immortels et jouissant d’une capacité
intellectuelle infiniment supérieure à la nôtre. Parallèlement, il est possible que les
hommes établissent un contact avec des êtres intelligents habitants d’autres
planètes et ayant leurs propres dieux. On peut se demander dans ces conditions
quel sera le sort de nos religions actuelles et quelle place occupera la foi
dans un monde de plus en plus « désenchanté ». Il faut espérer que le nouvel homme cloné,
cybernétique et asexué décrit par Houellebecq dans Les particules élémentaires ne soit pas dépourvu de cœur, ce qui
signifierait également la mort de la spiritualité, de l’amour et de l’art.
Mais il est probable que la post-humanité qui
apparaîtra au cours du troisième millénaire aura pour nos religions le même
regard que celui que nous jetons aujourd’hui sur les divinités de l’Égypte antique et ses livres sacrés.
Ibrahim
Tabet
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