« Pourquoi
y-a-t-il chose plutôt que rien ? » (Leibniz)
Dès l’Antiquité les religions ont développé des cosmogonies (systèmes mythiques
d’explication de la naissance de l’univers). Dans la plupart d’entre elles quelque chose existe avant même l’apparition
des dieux, dans un état précédant le déploiement du temps et de l’espace. Cette
unité primordiale, contenant en germe l’histoire de l’univers prend des formes
différentes selon les mythologies. L’idée d’une création à partir du néant leur était
étrangère. À la suite des Sumériens, les Babyloniens pensaient que des eaux primordiales, à l’image
des marais de Mésopotamie, existaient de toute éternité avant la création de
l’univers. L’Enuma Elish, (« le
poème de la création ») décrit les origines du cosmos, les combats des
premiers dieux contre les forces du chaos et la création par Mardouk, du
monde et de l'homme. Le récit biblique est le premier à
décrire la création par
Dieu « ex nihilo » de l’univers considéré cependant comme immuable Autrement plus
proche de la cosmologie moderne est d’après Hubert Reeves la vision hindoue de la formation et de l’évolution de l’univers. Incarnation de l’éternelle énergie cosmique, le dieu Shiva a entre autres attributs une langue de feu, et un tambourin,
représentant
la musique,
symbole
de
l’harmonie
des lois
de
la
nature. « Flamme et musique,
écrit-il dans « Patience dans l’azur » sont les deux pôles du Cosmos. À l’origine est le règne absolu de la flamme. Le feu s’abaisse.
La matière s’éveille et s’organise. La flamme fait place à la musique. Ainsi en
enchainant
depuis
le
« Big Bang » les évolutions,
nucléaire,
chimique, biologique et anthropologique, on reconstitue l’odyssée de l’univers
qui a finalement accouché de la conscience ». Élaboré au IIIe siècle, la doctrine manichéiste part de la contradiction entre l’idée d’un Dieu infiniment bon et
tout puissant, créateur de toute chose, et l’existence du mal. Et au Moyen Age Thomas d’Aquin entreprend
de démontrer qu’il
y a nécessairement une
« Cause Première » à tout, c’est Dieu.
Au
XVIIIe siècle tout en admettant l’idée d’un créateur, Kant
refusait de lui attribuer les phénomènes
dépassant notre connaissance. Hume réfute l’argument
consistant à prouver l’existence de Dieu par l’ordre de l’univers. Et Laplace,
éjecta Dieu de la physique. Quand Napoléon lui demanda quel était le
rôle de Dieu dans sa description du système solaire, il lui répondit
simplement : « Je n’avais pas besoin de cette hypothèse-là. Au XIXe siècle, l’athéisme occupe
de plus en plus le devant de la scène des idées. Nietzche, Feuerbach, Marx,
Darwin et Freud développèrent des interprétations de la réalité où Dieu n’avait pas de place. Et Max Weber fera de l’histoire de
l’Occident moderne celle du « désenchantement du monde », de la
sortie du monde magique de la religion. Il
souligne l’importance du processus de rationalisation caractérisé par la disparition de la croyance
irrationnelle dans l’action de Dieu dans le monde.
Y-a-t-il une cause première et une fin dernière ?
Un dessein cosmique qui aurait une fin éthique ? Ce sont les questions
auxquelles tendent de répondre, la gnose, la
métaphysique et l’ontologie. Elle
a donné lieu à trois formes de réponses : panthéiste, émergente et
théiste. Pour le panthéisme, l’Être suprême n’est autre chose que l’univers.
D’après la théorie émergente rien dans l’univers ne prévoit un stade futur,
mais une naissance de formes de plus en plus évoluées. Pour le théisme, l’Être suprême est extérieur à l’univers qu’il
a crée pour le bien. Qui est cet « Être » que les Francs-maçons
appelaient le « Grand Architecte » de l’univers ? Pour les trois
monothéismes, il ne peut s’agir que de
Dieu. Et nombre de philosophes, même
athées ou agnostiques, estiment qu’il existe probablement une intelligence
suprême derrière la création. Pour eux
l’évolution de l’univers, ainsi que la montée de la complexité ne saurait être uniquement le fruit du
hasard. C’est le cas des
frères Bogdanov qui affirment que la
constante cosmologique qui accélère le développement de l’espace-temps est trop
bien réglée à 120 décimales
derrière la virgule pour être le
fruit du hasard, et qu’une intelligence
devait nécessairement être impliquée pour produire l’extraordinaire complexité
du code génétique inscrit dans l’ADN. Mais leurs
thèses sont contestées par la communauté
scientifique. Il en est de même de la thèse du dessein intelligent
(« Intelligence design ») qui constitue une version
pseudo-scientifique du créationnisme.
La science, elle, ne s’occupe que du
« comment » et n’a rien à dire sur le « pourquoi »
qui ne relève pas de sa compétence. Ce qui n’a pas empêché des scientifiques chrétiens, comme le père
Teilhard de Chardin, de tenter de
démontrer la compatibilité entre les théories modernes de l’évolution du
cosmos et la foi. D’autres scientifiques n’écartent pas le principe anthropique
selon lequel l’univers a été conçu dès le départ
pour favoriser le développement de la vie et du cerveau humain.
« La physique quantique a montré qu’au niveau
subatomique, l’univers ressemblait plus à une vaste pensée qu’à une immense
machine. Sa réalité fondamentale sous-jacente est celle d’un champ immatériel
doté d’intelligence et d’une certaine « liberté » La science moderne,
tend ainsi à revenir aux intuitions de l’ancienne
théosophie et à donner raison au monisme contre le dualisme affirmant la séparation entre l’esprit et la
matière, puisqu’il s’avère que fondamentalement, espace et temps, matière,
énergie et esprit ne font qu’un . » Assistera-t-on pour autant à une
réconciliation entre la science et la religion ? Pour Bertrand
Russel et Luc Ferry, il ne faut pas mélanger la théologie et la science. Ils ne contestent pas l’existence d’un
« antihasard » dans l’univers. Mais cela ne prouve pas à leurs yeux
l’existence d’un démiurge créateur du monde et encore moins que celui-ci ne se
confonde avec le Dieu bon des trois religions monothéistes. Pour Stephen
Hawkins par contre les
chercheurs doivent non seulement répondre à la question « Comment l'Univers
évolue? » mais aussi à celle-ci: «Pourquoi il y a un Univers? » Cela dit, il
affirme qu’il est inutile d’imaginer un plan, un dessein, un créateur derrière
la nature. La science explique bel et bien à
elle seule les mystères de l’univers tel qu'on le connaît
à supposer qu’il n’existe pas d’autres univers.
Ibrahim
Tabet