Emmanuel
Macron et l’impasse libanaise.
L’effondrement du Liban, à partir
de l’automne 2019, suivi de l’explosion catastrophique survenue au port de
Beyrouth le 4 août 2029, suscitèrent une succession d’initiatives de la part d’Emmanuel Macron, en faveur du pays du cèdre
qui s’inscrivent dans la tradition de l’amitié séculaire entre les
deux pays et dans la ligne de celles entreprises
par ses prédécesseurs depuis la création de la Ve République : de Charles
de Gaulle à Nicolas Sarkozy, en
passant par François Mitterrand. Les
visites historiques d’Emmanuel Macron au Liban le 6 août 2020, surlendemain de la
catastrophe, puis le 1er septembre pour commémorer le centenaire de
la création du Grand-Liban sont un geste de solidarité envers la population
libanaise et d’amitié envers un pays qui est sans doute son point d’appui le
plus solide dans la région. Elles traduisent également la volonté de la France
de recouvrer une influence régionale
Emmanuel
Macron fait du pays du cèdre un de ses dossiers prioritaires dans la région. En
novembre 2017, il réussit un beau coup diplomatique en obtenant la « libération » du Premier ministre libanais, Saad Hariri que
le prince héritier d’Arabie
saoudite, Mohamed Ben Salmane (MBS),
avait, dans un geste sans précédant, retenu à Ryad,
l’obligeant à faire une déclaration contre le Hezbollah. De retour à Beyrouth, après avoir été exfiltré vers Paris où il a
été chaleureusement reçu à l’Élysée,
Hariri était revenu sur ses déclarations
et sur sa démission qu’il avait annoncée à la télévision saoudienne,
visiblement sous la contrainte.
Avant
l’effondrement de l’automne 2019, le président français avait pris l’initiative,
en Avril 2018, de réunir la conférence internationale « CEDRE », destinée à éviter la faillite de
l’État libanais. Organisée
par la France, la « conférence
économique pour le développement du Liban par les réformes et avec les
entreprises » (CEDRE) a accueilli à
Paris. le 6 avril 2018, près de 50 États et organisations
internationales en vue de soutenir le développement et le renforcement de
l’économie libanaise dans le cadre d’un plan global de réformes budgétaires et
sectorielles et d’investissements d’infrastructures. La spécificité de CEDRE par rapport aux précédentes conférences
de soutien au Liban (Paris I, II et III) est
qu’il prévoit des financements conditionnés à la mise en œuvre de ces
réformes. La communauté internationale s’était engagée à mobiliser plus de 11
milliards de dollars de prêts et de dons. Mais l’Etat libanais s’étant révélé
incapable de tenir ses engagements, le
Liban n’a pu bénéficier de ces fonds
Chronique d’un effondrement annoncé
Malgré les nuages qui s’amoncelaient à
l’horizon et la dégradation de leurs conditions de vie, peu de Libanais, à part
un cercle étroit d’experts et d’initiés, étaient conscients de la situation financière catastrophique du pays
qui allait s’effondrer à partir de
l’automne 2019
Le 17 octobre
2019, le ras-le-bol de la population provoqua un immense soulèvement qui devait marquer un
tournant important dans l’histoire du Liban. Le caractère pacifique et
transcommunautaire du mouvement suscita d’abord un espoir de changement, qui
n’allait pas tarder a être déçu. Le
Premier ministre Saad Hariri est contraint de présenter la démission de son
gouvernement le 29 octobre. Et un
gouvernement présidé par Hassane Diab, et composé de technocrates prétendument
indépendants est formé le 19 décembre
2019. Malgré son indépendance de façade, le gouvernement a du sa nomination à
l’oligarchie mafieuse qui a mené le pays à la faillite. Ei. il s’est avéré
incapable de mettre en œuvre les réformes structurelles qui s’imposent, Comment en effet les parrains du
gouvernement y consentiraient-ils et accepteraient-ils
des réformes qui seraient un suicide pour eux?
La crise économique et sociale a été
aggravée par les mesures de confinement et de couvre-feu décrétées à partir de l’apparition de l’épidémie de Covid-19 en
février 2020.
Le Liban qui se noie espère que la France
viendra à la rescousse. La France avait déjà organisé une réunion des amis du
Liban pour aider le pays au début de la révolution populaire. Une fois de plus,
la nécessité des réformes que le Liban doit faire était soulignée par le groupe
international réuni à Paris. Puis, en visite au Liban, le ministre français des
Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, a clairement signifié aux autorités
libanaises que l’aide de la France était conditionnée par la mise en œuvre de
réformes. « Aidez- nous à vous aider, bon sang! » s’était-il exclamé,
à la veille de sa visite, excédé
par la mauvaise volonté et l’incompétence du pouvoir
libanais. Mais le mur constitué par la classe politique est un obstacle à ces
réformes. Les négociations avec le FMI pour débloquer une aide dont le pays a
urgemment besoin sont dans l’impasse. Et les pays du Golfe ne peuvent accepter
d’aider un gouvernement adoubé par un parti chiite agent de l’Iran qui
contribue à déstabiliser leurs pays. Un parti qui ne connaît pas la
distanciation préconisée par la France et les amis du Liban et qui contribue,
avec sa milice armée, à couler le Liban.
Une terrible catastrophe
Comme si tous ces malheurs ne suffisaient
pas, une terrible catastrophe a porté un coup un coup de grâce au moral de la population.
Le 4 août 2020, une explosion cataclysmique d’un stock de centaines de tonnes
de nitrate d’ammonium au port de Beyrouth a ravagé des pans entiers de la
capitale, en particulier ses quartiers chrétiens. Elle a fait plus de 200
morts, 6500 blessés, 300000 sans-logis et d’énormes destructions. Malgré
l’insistance de la société civile, le gouvernement libanais a refusé une
enquête internationale indépendante, seule susceptible de déterminer les causes
et les responsables de la catastrophe. Un an après l’explosion, la classe politique empêche
toujours la vérité de voir le jour. Un premier juge d’instruction a été dessaisi du dossier et remplacé par un
autre magistrat, Tarek Bitar. Ce dernier est en bute
depuis lors à une campagne d’accusation
de politisation de la part des partis chiites. Amal et Hezbollah qui réclament son renvoi par le gouvernement
en dépit du principe de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif.
Les deux visites d’Emmanuel
Macron au Liban
Pour Emmanuel Macron, la décision de venir
au Liban est prise dans les heures qui ont suivi la catastrophe du 4 août 2020.
Il arrive au Liban avec plusieurs calculs en tête : il veut montrer que la
France peut reprendre l’initiative dans la région. L’urgence est avant tout
humanitaire. L’état libanais n’a pas les moyens de répondre à la catastrophe.
Il faut des aides, et réfléchir à la
reconstruction des logements et à celle du port. La logistique se met en marche
en un temps record. Jean-Yves Le Drian vient à Beyrouth et dit « aidez-
nous à vous aider ». Il rappelle que le déblocage de l’aide internationale,
seule façon de remettre le Liban sur les rails est conditionnée à la mise en œuvre
des réformes.
A peine débarqué à Beyrouth, Emmanuel Macron
se rend au port directement à partir de l’aéroport, puis dans le quartier
sinistré de Gemmayzé. Il a pu mesurer le désespoir de la population et son
mépris envers la classe politique libanaise. Changement de décor et d’ambiance. Le
président français convoque les principaux leaders du pays à la résidence des
Pins. Le ton est dur et franc. Il accuse les responsables libanais d’avoir mis
le pays dans une situation impossible et leur explique qu’il est temps d’assumer
tous ensemble la sauvegarde du pays. » Il demande à chaque leader politique de faire une présentation rapide
afin de se mettre d’accord sur le début d’une feuille de route. Il traite le
Hezbollah au même titre que les autres partis libanais. Quant aux représentants
de la société civile que M. Macron a rencontrés à la Résidence des pins, ils
sont bien impuissants. Emanuel Macron confirme qu’il va revenir le 1er
septembre prochain et s’attend à ce que la situation ait évolué dans le bon
sens d ‘ici là..L’heure est à l’optimisme. Le 9 Août, cinq jours
après la double explosion du port, la communauté internationale réunie lors
d’une visioconférence organisée par l’Elysée avait mobilisé une aide d’urgence
de 250 millions d’euros.
Le président
français s’est posé en arbitre de la politique libanaise, obligeant les partis
à s’engager sur une feuille de route commune et posant un calendrier précis de
réformes. Maniant la carotte et le bâton, il a de nouveau affirmé la
volonté de la France d’aider le Liban tout en conditionnant cet appui par leur
mise en œuvre. Il est censé revenir au
Liban dans les prochains jours. Sur la scène locale, les vieilles habitudes
reprennent rapidement le dessus. Le Premier ministre Hassan Diab démissionne le
10 août. S’ensuivent des semaines de tractations, de négociations de petits
boutiquiers et de jeux de rôles comme la politique libanaise sait si bien en
offrir. Emmanuel Macron appelle tous les leaders libanais un par un pour les
presser de former un gouvernement de mission. 24 heures avant son arrivée, la classe
politique va surprendre tout le monde en sortant de son chapeau le nom d’un
parfait inconnu, ancien chef de cabinet de Najib Mikati et ambassadeur du Liban
en Allemagne, Moustafa Adib qui reçoit l’aval de presque tous les partis pour
prendre le poste de Premier ministre.
Le
1er septembre 2020, Emmanuel Macron devait effectuer, comme il
l’avait promis, une deuxième visite au Liban à l’occasion de la commémoration
du centenaire de la création du Grand-Liban, le 1er septembre 1920. Pour la seconde fois il convoque tous les
leaders politiques du pays à la résidence des Pins, Afin d’inciter le Hezbollah
à ne pas bloquer le processus, il a tenu
à inclure le président du groupe parlementaire du parti parmi les personnalités
politiques qu’il a rencontrées. Cependant dans une tribune collective au Figaro,
27 signataires lui ont demandé que la France considère le Hezbollah comme une
organisation terroriste et invite l’Union européenne à faire de même. Sans ce
signe de fermeté, aucun Liban souverain ne sera possible, jugent-ils. En faisant la différence entre les faces terroriste et
politique du Hezbollah, M. Macron est à la fois conséquent avec son inclinaison
pour le "en même temps" et la position officielle jusqu'ici de la
France. L'avenir dira s'il a fait un faux pas en reconnaissant son rôle
incontournable dans le jeu politique libanais. Mai il est douteux que le parti terroriste qui tient le
Liban en otage lui renvoie l’ascenseur. Quelques minutes avant le début de la réunion, Paris
distribue une feuille de route qui fait la synthèse des principales réformes
exigées par la communauté internationale si le Liban veut bénéficier d’une aide
extérieure. Les points sont précis et techniques. Le plan français contourne
tous les sujets qui peuvent faire débat sur la politique locale. Il n’est pas
fait mention des armes du Hezbollah ou de la politique étrangère du Liban. Car
le président n’a pas la prétention de régler en quelques semaines ce que le
Liban et ses amis n’ont pas réglé en trente ans. Le président Macron prend la
parole pour presser les leaders politiques de mettre la feuille de route à
exécution dans les plus brefs délais. il
s’agit désormais pour chaque homme
politique présent dans la salle de s’engager à respecter la feuille de route et
former pour cela « un gouvernement de mission ». Les leaders
s’engagent à prendre les premières réformes dans les six semaines à venir. Le
président français annonce qu’il reviendra pour faire le point en décembre.
Des engagements non tenus
Trois semaines après que le président français ait clôturé sa deuxième visite au Liban, l’ambassadeur
Moustafa Adib, Premier
ministre désigné, se récuse
le 26 Septembre 2020,
après s’être
étant heurté
aux obstacles mis par les partis politiques à la nomination de ministres
indépendants. Cet échec a été vivement condamné
par Emmanuel Macron qui a eu des mots très durs envers les leaders politiques
libanais qu’il a accusés d’avoir trahi leurs engagements Au cours d’une conférence de
presse, comme les Libanais n’ont jamais connue, il lance leurs quatre vérités
aux dirigeants politiques : « les forces politiques libanaises,
leurs dirigeants, les dirigeants des institutions n’ont pas souhaité respecter
l’engagement pris devant la France et la communauté internationale. Ils ont
décidé de trahir ces engagements. Ils ont fait le choix de faire primer leurs
intérêts personnels, de condamner le Liban au chaos au lieu de bénéficier de
l’aide internationale dont le peuple libanais a besoin. Personne n’a été à la
hauteur des engagements pris le 1er Septembre »..Le président français
assure en fin de conférence de presse que son pays n’abandonnera pas le Liban
et que la feuille de route française reste la seule option valable. Il revient à la charge dans une lettre adressée
au président Michel Aoun à l’occasion de la fête d’Indépendance. Il lui suggère
de demander aux partis politiques libanais de « mettre de côté leur
intérêts personnels confessionnels et partisans afin de former un gouvernement
capable de mener la réforme attendue par la communauté internationale et les
libanais et qui conditionne les aides nécessaires pour permettre au pays de
sortir de la crise et d’éviter l’effondrement. Peu après, comme si le soulèvement n’avait
pratiquement servi à rien, Saad Hariri, que les manifestations avaient
contraint il y a un an à la démission, réussit
à être chargé de former le gouvernement,
sans projet, sans programme autre que
celui de reprendre le pouvoir et de se partager les postes et les prébendes qui
vont avec ce qui revient à un retour
désespérant à la case départ. En moins de trois mois, la
classe politique avait repris le contrôle des choses et donc enterré l’espoir
qu’avait suscité le président de la République français lors de sa venue au
lendemain du 4 août.
Exprimant le ras-le-bol de la communauté
internationale à l’égard de leurs atermoiements, le
ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré
« être tenté de les accuser de non-assistance à pays en danger ».
Et Emmanuel Macron a agité la menace de
pressions pouvant aller jusqu'à des sanctions à leur encontre.
La
poursuite de l’initiative française
Malgré
ces déconvenues le chef de l’Etat français ne baisse pas les bras. Le jeudi 3 Décembre 2020, il organise une
nouvelle conférence humanitaire a laquelle participent 13 chefs d’états, 18
ministres, 10 représentants d’organisations régionales et internationales, 10
représentants de la société civile. Dressant
le bilan de cette conférence, le président Macron se félicite dans son discours
que les promesses aient été « tenues et même dépassées : plus de 280
millions d’euro ont été décaissés, ce qui a permis de faire face à une partie
importante des besoins immédiats.
Une initiative dans l’impasse
Malgré
les efforts d’Emmanuel Macron, force est
de constater que son initiative est dans
l’impasse. Sans doute n’a-t-il pas
mesure le degré d’irresponsabilité des dirigeants libanais. En mars 2021, face à l’impasse il annonce
au cours d’une conférence de presse un
changement de méthode «Le temps du test de responsabilité s'achève et il nous faudra dans
les prochaines semaines, de manière très claire, sans doute changer d'approche,
de méthode», a déclaré le président français qui s'efforce depuis
des mois, en vain, d'arracher la formation d'un gouvernement au Liban et la
mise en œuvre de
réformes. «Nous ne pouvons laisser le peuple libanais dans la situation où il
est», a t-il poursuivi. Saad Hariri ayant jeté l’éponge, Nagib Mkati qui est chargé de former un gouvernement se heurte d’abord aux mêmes difficultés avant
d’y parvenir le 10 septembre 2021, au
bout de trois mois de tractations, et après treize mois de vide politique, à la
suite, semble-t-il, d’un coup de
téléphone d’Emmanuel Macron au nouveau président iranien, Ibrahim Ra’isi, lui demandant d’intercéder auprès du Hezbollah afin qu’il cesse de lui mettre
des bâtons dans Mais dès la première réunion du nouveau cabinet, les ministres
chiites menacent de démissionner si le juge
Bitar n’est pas dessaisi de l’enquête sur l’explosion du port. Et une
grave crise éclate avec l’Arabie saoudite et les pays arabes du Golfe. Prenant
prétexte d’une déclaration du ministre des Affaires étrangères, Georges Cordaji, faite avant sa nomination, critiquant sa guerre
contre le Yémen, Ryad suivi par
les autres pétromonarchies décide un boycott économique du Liban, Une fois
encore Emmanuel Macron, en visite à Ryad le 11 décembre 2021, parvient à arracher au prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane la promesse, sinon d’assouplir ses mesures envers le Liban, du
moins de reprendre langue avec le Premier ministre Mikati. Alors
qu’Emmanuel Macron avait veillé à
ménager le Hezbollah lors de sa première visite à Beyrouth, il considère désormais, à juste titre, que la
mainmise de ce parti sur le Liban est le principal obstacle au sauvetage du
pays et la principale raison de l’échec de ses efforts inlassables pour lui
venir en aide. En affirmant « la nécessité de limiter la possession d’armes aux
institutions légales de l’État, » le communiqué commun publié à l’issue de la
visite du président français en Arabie saoudite traduit clairement ce revirement.
« Paris revient sur son positionnement géopolitique traditionnel », écrit
l’Orient-Le jour. « Et le communiqué a surtout recentré l’initiative française
dans laquelle les questions liées au Hezbollah étaient considérées moins
prioritaires que les réformes exigées pour redresser le pays ».
Interrogée sur ce qui ressemble à un " alignement
" de la France sur la position saoudienne qui accorderait la priorité au
désarmement du Hezbollah, l’ambassadrice de France Anne Grillo a déclaré que " la
France ne s’aligne pas sur tel ou tel pays". Nous parlons au Hezbollah comme à tous les
acteurs politiques. La réalité c’est que le Hezbollah fait partie intégrante du
système politique et institutionnel. Des Libanais ont voté pour lui ", a
indiqué Anne Grillo en rappelant que le parti est représenté au sein du
Parlement, et du gouvernement. Défendant l’approche " pragmatique "
de la France, elle affirme " Oui
nous parlons au Hezbollah comme à l’ensemble des acteurs politiques, de façon
franche, on se passe les messages quand cela est nécessaire, ça suppose aussi
d’assumer nos points de divergence, comme la question des armes ",
a-t-elle nuancé. " Un pays souverain suppose que le monopole de la
violence légitime appartient à l’Etat et la France a condamné les activités
militaires du Hezbollah dans la région et en Syrie ", a-t-elle rappelé
avant de conclure : " Donc si vous voulez vraiment aider le Liban, que
cette réalité vous plaise ou pas, l’essence même de la diplomatie c’est de se
parler même si c’est difficile de parler avec ceux avec qui nous ne sommes pas
nécessairement d’accord ".
Au
delà d’une crise politique, la faillite d’un système
À l’heure où s’écrivent ces lignes aucune
issue à la crise n’est en vue. Le gouvernement Mikati n’arrive toujours pas à
se réunir du fait de l’insistance du tandem
Amal-Hezbollah, à exiger la tête du juge Bitar Ni le bâton américain ni la carotte française, n’ont
l’air d’avoir de l’effet sur la résistance aux réformes des dirigeants libanais
dont le principal souci est de se maintenir à n’importe quel prix au pouvoir. Si les blocages récurrents caractérisant les élections
présidentielles et la formation de
chaque gouvernement depuis 2005
montrent que le système politique
libanais est clairement à bout de souffle, une réforme de la Constitution relève
de la quadrature du cercle et risque d’ouvrir la boite de Pandore des
revendications communautaires tant les Libanais sont divisés à ce sujet. Les
différentes composantes du mouvement de révolte ne sont pas parvenues à
constituer une coalition représentant une opposition crédible au pouvoir en
place. Une révolution étant impossible au Liban, reste la perspective d’un changement de majorité à
l’issue des élections législatives prévues
au printemps 2022 Mais il n’est pas
certain que cela aurait mené à un changement significatif.
Il apparait que la crise
libanaise a atteint un point de non-retour.
Contrairement aux crises
précédentes qui débouchaient sur un compromis
ou, le plus souvent, sur une
capitulation du camp souverainiste face au diktat du Hezbollah et de ses alliés, on
n’en voit pas l’issue. Au
blocage gouvernemental s’ajoute l’impuissance de l’Etat libanais à
satisfaire l’exigence de désarmement du Hezbollah formulée par la communauté
internationale. Ni un changement éventuel de majorité parlementaire en cas de
tenue des élections législatives, ni l’initiative française, seule puissance à
vouloir l’intérêt du Liban ne sont susceptibles de débloquer la situation. Le
clivage politique et confessionnel n’a jamais été aussi profond. Et
l’incompatibilité entre deux visions de l’identité et de la vocation du pays
n’a jamais été aussi évidente. Une montée de la violence, et même une révolution de la faim n’est pas à écarter. Et
on se dirige probablement vers un
changement de système politique, tant
est évident le fait que le Liban, dans
sa configuration actuelle, est un État failli.
Ibrahim Tabet