Une
nouvelle guerre de Trente Ans ?
Depuis les attentats du 11
septembre 2001, on parle de plus en plus de guerre mondiale sinon de croisade contre le terrorisme islamiste. Et depuis le déclenchement des guerres civiles
en Irak et en Syrie on prédit qu’elles seront
plus longues que la guerre de quinze ans au Liban. Peut-on faire un parallèle
entre ces conflits et la guerre de
Trente Ans qui ravagea l’Allemagne au
début du XVIIe siècle ? Peut – on vaincre une idéologie politico – religieuse millénariste encore plus mobilisatrice
que le communisme et le nazisme par de seuls bombardements
aériens, surtout américains ? Quels sont les défis que posent l’islamisme
radical au monde musulman et à l’Europe ? Avant d’aborder ces questions je me propose de parler du phénomène du « retour
du religieux » qui est à l’origine de
cette violence.
Les méfaits du
« retour du religieux ».
Censées favoriser la paix, les
religions sont pourtant devenues l’un
des leviers de guerre les plus puissants.
C’est surtout le cas des religions monothéistes dont l’histoire est entachée de multiples
exemples d’intolérance et de fanatisme. Alors que dans l’Antiquité, nul État conquérant ne nourrissait la
prétention de convertir de gré ou de force à ses dieux les peuples qu’il
subjuguait. Et qu’Hadrien avait bâti à Rome
le Panthéon, temple de tous les dieux
« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera
pas », prophétisait Malraux. Il a eu
raison contre Nietzche qui avait prononcé la mort de Dieu. Ou contre Max Weber, qui fit de
l’histoire de l’Occident moderne celle du « désenchantement du
monde », de la sortie du monde magique de la religion. Alors
qu’il y a trente ans à peine la
religion semblait être en déclin ou reléguée à la sphère
privée on observe une tendance
inverse. Sauf que cette « revanche
de Dieu » selon
l’expression de Gilles Kepel, reflète
moins un regain de foi que des crispations
identitaires parfois
meurtrières, une instrumentalisation politique
de la religion et une recrudescence des conflits civils ou interétatiques à caractère ethnico-religieux
C’est au sein de l’islam que le retour du religieux revêt une forme aussi violente, avec la
résurgence du clivage vieux de quatorze siècles
entre chiites et sunnites, et
les conflits meurtriers dont le Moyen-Orient
et l’Afrique sont le théâtre. Alors que le processus de sécularisation
entamé
par les régimes arabes laïcs semblait irréversible, des mouvements islamistes comme les Frères
musulmans et les salafistes prônant le retour à la charia ont le vent en poupe. Certes ils se sont avérés ont incapables d’apporter une solution aux
problèmes économiques et sociaux des
pays ou ils ont pris le pouvoir
comme en Egypte et en Tunisie. Mais du
moins ont- ils ont largement réussi à islamiser la société par le bas. La
remise en cause de la révolution
du dévoilement des femmes constituant une des manifestations les plus visibles de cette régression socioculturelle. Comme dans le monde arabe, la réislamisation avance à grand pas en
Turquie dont la politique étrangère est
de plus en plus panislamiste.
En Occident la déchristianisation et la crise des valeurs ont entrainé la
montée des fondamentalismes catholiques et protestants. Et le même
phénomène s’observe au sein de
l’orthodoxie et du judaïsme. Mais qui
a-t-il de commun entre un zélateur de
Mgr. Lefebvre ou un intégriste protestant qui prône une lecture littérale de la
Bible et nie la théorie darwinienne de
l’évolution et un kamikaze jihadiste ? Alors
que les Occidentaux
ne sont plus prêts à se battre et
à mourir pour leur foi, le fanatisme millénariste des jihadistes frise le
nihilisme.
Les atrocités commises par Daesh, Boko Haram et Al Qaeda ont favorisé
l’amalgame entre islam, intolérance
et obscurantisme. Tandis que les
attentats islamistes en Europe ont favorisé la montée de l’extrême droite
et l’islamophobie. Il
existe en Europe une réelle peur de l’islam, lequel formerait, selon les termes utilisés par Toynbee
à propos
des invasions barbares de l’Empire romain, un « prolétariat intérieur » et un « prolétariat extérieur » frappant aux
portes du vieux
continent à la démographie en berne et
menaçant sa civilisation. Jouant sur cette peur de la menace musulmane Michel Houelbeck décrit dans son roman-fiction « Soumission » une France gouvernée par un parti
musulman en 2022. Et dans « Le
suicide français », Eric Zeimour, analyse la
perte de valeurs qui, selon lui, caractérise la France depuis mai 68, et dénonce
le communautarisme et l’action corrosive de l’immigration musulmane sur
le modèle de laïcité républicaine.
Sur un autre plan la montée de l’islamisme politique semble
confirmer l’idée que pouvoir politique et religion sont décidemment inséparables dans l’islam. On oublie
cependant que pendant des siècles l’Europe chrétienne a connu une alliance
indissoluble entre le trône et l’autel. Le
Moyen Âge fut émaillé de luttes d’influence entre les
souverains et la papauté pour qui le
pouvoir spirituel devait avoir la primauté sur le pouvoir temporel. Jusqu’au
XIXe siècle les hommes de
religion y eurent infiniment plus d’influence politique que dans le
monde musulman, où il
n’existe ni Eglise ni papauté. C’est surtout le cas de l’islam sunnite
alors que le clergé chiite est beaucoup plus structuré et hiérarchisé.
Si l’Église
catholique se consacre désormais essentiellement à sa mission spirituelle et morale, les papes de la
Renaissance comme Jules
II et Alexandre VI furent aussi des chefs politiques et de
guerre. C’est le cas aujourd’hui de certains
clercs chiites tels Moktda el Sadr ou Hassan Nasrallah. De ce point de vue ils sont d’avantage en accord avec l’enseignement
et l’exemple de Mahomet qui fut aussi un
chef politique et de guerre que les chrétiens avec celui du Christ. Lequel, prenant le contre-pied du Dieu vengeur de l’Ancien
Testament, se fit l’apôtre de la
non-violence. Et qui, en enjoignant ses disciples de « rendre à César ce
qui est à César, et à Dieu, ce qui est
à Dieu », avait clairement établi
une distinction entre le politique et le religieux.
L’islam et la chrétienté ont suivi
des trajectoires inverses en termes de
tolérance religieuse. Comme en témoigne l’Inquisition, les pogroms anti-juifs
et l’expulsion des musulmans et des juifs d’Espagne. Ces derniers trouvant
d’ailleurs refuge au Maroc et dans l’Empire ottoman. Pour Arnold Toynbee.
« Le plus grand
désastre qui soit arrivée à la chrétienté a peut- être été la conversion de Constantin au christianisme et, par la suite,
l’immixtion, de César dans les affaires de Dieu, et de l’Église de Dieu dans les affaires de
César. Le second désastre a été la transformation de l’Église, qui de
persécutée pour le Christ, a persécuté au nom du Christ ».
Ne peut- on pas aussi affirmer que deux des
plus grands désastres qui soient arrivés
à l’islam contemporain ont peut être
été la découverte du pétrole dans le foyer du wahhabisme, ainsi que la doctrine
du « wilayat el faquih »
réunissant en la personne du guide suprême iranien l’infaillibilité
dont jouissent les papes avec le pouvoir
de César ? Innovation contraire à
la tradition islamique et s’apparentant au céraropapisme instauré par Constantin.
Des croisades à la prise de
Constantinople par les Ottomans, en passant par la Reconquête espagnole, la
religion a servi à légitimer les visées hégémoniques réciproques de la
chrétienté et de l’islam. Et leur lutte séculaire a été émaillée de guerres
qualifiées de « saintes». Chacun des belligérants estimant que Dieu était de
son côté. Montaigne disait toutefois
« qu’une guerre étrangère est un mal bien plus doux qu’une guerre civile
». Les guerres de religions entre protestants et catholiques, comme
celles entre chiites et sunnites, ont
ainsi revêtus un caractère aussi
implacable que celles entre musulmans et chrétiens. Ce
fut le cas des guerres de religion qui
ont déchiré l’Europe entre le XVIe
et le XVIe siècle. Et en
particulier de la guerre de Trente Ans.
La guerre de
Trente ans
Plusieurs politologues évoquent
d’ailleurs cette guerre
à propos de la durée probable de
la guerre entre la « coalition
internationale » et le terrorisme islamiste, et des
guerres civiles à caractère ethnico- religieux en Syrie et en
Irak. Au delà
d’une question de durée, ne peut-on pas aussi faire
un parallèle entre les causes, la nature et les conséquences de ces conflits ?
Causée
par la fracture
politico-religieuse entre Protestants et catholiques consécutive à la Réforme,
la
désastreuse guerre de Trente ans a ravagé
l’Allemagne entre 1618 et 1648.
Elle a été déclenchée par le soulèvement des protestants tchèques de Bohême contre la politique discriminatoire de Ferdinand II,
souverain du Saint-Empire Romain-germanique. Ce fut
la fameuse défenestration de Prague
suivie d’une répression brutale qui n’est pas s’en rappeler ce qui s’est
passé après les premières manifestations
contre le régime syrien. Le conflit se propagea
rapidement à toute l’Allemagne et fut marqué par des atrocités et des massacres indicibles de part et d’autre, lot commun des
guerres de religion. Les exactions sont nombreuses même si
elles n’ont pas été filmées comme les horribles
égorgements rituels commis par Daech : tortures, exterminations en masse
d’innocents, viols, assassinats, etc. Des épisodes comme ceux du sac de
Magdebourg ou les atrocités commises au Palatinat
et en Franche Comté marquent les
esprits pour des décennies, et restent dans la mémoire collective pendant plus
d’un siècle, alimentant un cycle infernal de représailles et de vengeance.
Le conflit entraîna l’intervention de plusieurs Etats étrangers : l’Espagne
aux côtés des Habsbourg d’Autriche, bras
armé de
la Contre-réforme
catholique, le Danemark et la Suède
luthériens ainsi que la France catholique aux côtés des princes
protestants allemands. Bien que combattant les huguenots
sur son propre sol, la
France était prise en étau entre les Habsbourg de Madrid
et de Vienne d’où ce choix apparemment paradoxal dicté par la realpolitik de Richelieu et Mazarin. Avant
d’intervenir militairement dans le conflit, elle s’était contentée au début d’appuyer financièrement les ennemis
de l’empereur comme l’ont fait aujourd’hui
le Qatar et l’Arabie Saoudite pour les
ennemis de Bachar el Assad.
Les conséquences politico-religieuses de la guerre furent profondes
en Europe. Elle consacra le principe du « cujus regio ejus religio » institué par le traité d’Augsbourg (1555) en
vertu duquel les sujets sont tenus
d’adopter la religion de leur prince.
Ce principe avait débouché sur une relative
homogénéisation religieuse des Etats européens qui se traduisit par des expulsions comme celle des huguenots de France a la suite
de la révocation de l’édit de Nantes et
des exodes de populations allogènes voire des épurations ethnico-religieuse. Les
traités de Westphalie qui mirent fin à la guerre en 1648 consacrèrent la division religieuse de l’Allemagne, son
émiettement politique et l’affaiblissement
du pouvoir impérial. Ils profitèrent surtout à la France de Louis XIV dont ils consacrèrent la
prépondérance pendant un demi-siècle en Europe. Ils jetèrent aussi les bases
d’un système nouveau de relations internationales fondé sur la pluralité des Etats souverains.
Les guerres civiles en
Irak et en Syrie
Revêtant
le même degré de barbarie que la guerre
de Trente Ans, les guerres
civiles en Irak, et en Syrie ont, comme celle-ci, eut pour causes
directes des politiques discriminatoires et sectaires.
En l’occurrence celle des régimes syrien et irakien envers les sunnites. Même si le ressentiment vengeur de ces
derniers, s’agissant de l’Irak, est
largement du aux conséquences désastreuses de l’invasion américaine.
Comme
en Allemagne, les conflits syrien et
iraquien ont rapidement dépassé le cadre local. Leur implication sur le
rapport de force entre les axes chiite
et sunnite, les risques
de déstabilisation de la région et le
danger de terrorisme transnational ont entraîné l’intervention des
puissances occidentales et de
leurs voisins : l’Iran et le Hezbollah aux côtés des chiites et des alaouites, la Turquie, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les autres monarchies
pétrolières aux côtés des
sunnites. Cependant ces derniers, sont maintenant
contraints de devoir combattre un
double ennemi : le régime syrien et
Daech. C’est le cas en particulier de l’Arabie Saoudite qui, après avoir financé
et armé les mouvements
jihadistes, redoute maintenant
leur retournement contre elle. Et malgré
le fondement wahhabite de l’idéologie de
Daech s’est jointe aux condamnations
des crimes contre l’humanité perpétrés par
l’organisation qui n’épargne
pas les musulmans. Tandis que les Etats-Unis ne semblent plus vouloir la
chute de Bachar el Assad considéré comme un rempart contre l’islamisme radical.
Et vont peut-être signer un accord avec l’Iran qui bouleverserait la scène géopolitique
régionale.
Les guerres civiles en Libye et au Yémen revêtent
quant à elles pour le moment un caractère davantage local. Cela, bien que la dernière intervention égyptienne
en Libye qui fait figure d’Etat failli préfigure
sans doute une internationalisation du conflit dans ce pays. Et que l’Arabie Saoudite et l’Iran, sans
intervenir militairement dans le conflit yéménite, soutiennent leurs protégés respectifs : les Houttis chiites qui dominent le Nord et les sunnites
le Sud, ce qui peut déboucher sur une
division du pays. Un autre parallèle avec la guerre de Trente Ans qui
avait brisé l’unité politique et religieuse du Saint-Empire romain
germanique peut être fait concernant la probable transformation en lâches confédérations de l’Irak et de la Syrie ou leur partition en entités plus ou moins
homogènes sur le plan ethnico religieux combinée avec une possible remise en cause des
frontières héritées de l’accord Sykes-Picot. Les chrétiens
d’Orient dont le nombre se réduit déjà comme peu de chagrin constituant
les victimes collatérales de ces développements. Quand ils ne sont pas visés directement par
Daech.
Malgré la tourmente que traverse la région, le Liban
semble devoir échapper au sort tragique de ses voisins syrien et irakien. Son
système de partage communautaire du pouvoir s’est en définitive avéré plus résilient
que leurs régimes autoritaires. Et il
représente sans doute le modèle de solution politique le plus
approprié pour ces deux pays. La laïcité
formelle que prétendait incarner le Bath
syrien et irakien ayant échoué à effacer le sentiment d’appartenance
communautaire.
De même que les
traités de Westphalie avaient établis la
prépondérance de la France au XVIIe siècle, il
est probable que la balkanisation du Levant arabe, ainsi que le vide de puissance créé par le désengagement
relatif des Etats-Unis ne conforte l’hégémonie des deux puissances
régionales historiques rivales : l’Iran
dont l’influence s’exerce déjà en Irak, en Syrie au Liban et au Yémen, et la
Turquie post-kémaliste, héritière de l’Empire ottoman , et candidate au rôle d’Etat-phare de l’islam
sunnite. Enfin la résurgence du conflit entre les millénarismes chiites et sunnites dont se réclament les Ayatollahs iraniens et
le nouveau « calife » autoproclamé n’est pas de ceux qui s’effacent en une génération. Même si Daech venait à être
vaincu militairement, cela ne résoudrait
pas pour autant le problème du fanatisme
et du terrorisme islamiste. Le
combat contre ce fléau se situe en effet
moins sur les champs de bataille qu’au niveau politique,
idéologique et de la société.
L’Europe
et l’islamisme radical
C’est le cas en Europe et en France ou les récents attentats
contre Charlie Hebdo et un hypermarché
casher ont soulevés une immense émotion et suscité d’intenses débats, et d’innombrables
commentaires sur les réseaux sociaux, notamment sur les rapports entre les
communautés musulmane, juive et chrétienne de France, ainsi que sur la liberté de la presse.
Certaines voix ayant évoqué les limites à ne pas dépasser et déploré l’inutile
provocation auquel s’est livrée Charlie Hebdo. La proclamation « Je suis
Charlie » est en effet ambigüe et il existe une différence entre
appuyer la liberté d’expression, dénoncer la barbarie et approuver les provocations d’un journal
qui exploite la haine des religions. Le Premier ministre israélien, quant à
lui, n’a pas manqué d’instrumentaliser
la peur des Français de confession juive pour les inviter à émigrer en
Israël.
Les cibles des attentats : un commerce « juif »
et des journalistes ayant caricaturé le Prophète , montrent toutefois qu’il
s’agit moins d’un problème spécifique à l’Hexagone que global. Certes, ils ont été perpétrés par des
citoyens français. Mais cela ne devrait pas conduire à les expliquer principalement
par l’exclusion dont seraient victimes les musulmans français. Ils sont en
effet largement liés à d’autres facteurs. Conflit israélo-arabe à forte dimension
religieuse alimentant l’hostilité des musulmans envers les Juifs. Et guerre
contre les groupes jihadistes menée par l’Occident dont la France est le fer de
lance en Afrique. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement français de réaffirmer
sa détermination à ne pas renoncer à sa participation à cette nouvelle guerre
mondiale, différente de celles qui l’ont précédée.
Du point de vue
des gouvernements européens la lutte
contre le terrorisme islamiste a implique de multiples défis :
trouver un équilibre entre
sécurité et liberté. Pallier au sentiment d’exclusion des populations
musulmanes issues de l’immigration. Lutter contre la propagande islamiste sur les
réseaux sociaux. Et favoriser l’éclosion d’un islam européen en formant des prédicateurs locaux et en réglementant les
financements étrangers des institutions musulmanes. De la manière
dont l’Europe relèvera ces défis
dépendra en partie la réalisation ou non de la prophétie du choc des civilisations.
Il
existe à ce propos deux modèles différents. Le modèle français de laïcité
républicaine et le communautarisme à l’anglo-saxonne.
Alors
que la République française ne reconnait que les individus et considère
que le communautarisme est une idéologie pernicieuse, en Angleterre une loi interdisant le port du
voile islamique dans les établissements
publics serait impensable. Au nom des
libertés, le communautarisme y est au contraire considéré comme un facteur de
paix sociale favorisant le vivre-ensemble au sein de la société. Pour ses
défenseurs, le modèle anglo-saxon de sécularisation est supposé se prêter mieux
au respect des valeurs religieuses et communautaires que la laïcité à la
française. Sans préjuger des
mérites respectifs de ces deux modèles
il faut constater que les pays européens
rencontrent les mêmes difficultés à
assurer l’intégration d’une population musulmane en pleine croissance. Et le Premier ministre
britannique lui-même a reconnu l’échec
du modèle communautariste.
Une réforme de
l’islam ?
C’est surtout au
niveau du monde musulman que se
situe l’enjeu principal de la lutte
contre l’islamisme radical. Entreprise de longue halène qui commence à l’école et qui est autant de la responsabilité
des chefs politiques que religieux. Même si les conflits actuels
sont moins liés à tel ou tel verset du Coran qu’ à des causes
profanes, ils soulèvent le problème de la réforme de l’islam. Il se
heurte toutefois à l’absence d’une autorité religieuse supérieure
au sein de l’islam sunnite, telle que celle
des papes du concile de
Trente (1545-1569) qui initièrent
la Contre-réforme catholique. En dépit de
l’impossibilité d’une véritable
réforme de l’islam, et face à l’obscurantisme wahhabite, nombre de clercs et d’intellectuels musulmans libéraux appellent du moins à réinterpréter le Coran et la jurisprudence, en harmonie avec la déclaration
d'al-Azhar de 2012 de faire prévaloir la raison sur l’interprétation littérale
des textes. Savoir si cela
contribuera également à apaiser la querelle vieille de quatorze siècles entre chiites et sunnites est une question qui déborde le cadre de mon
propos et mes compétences et que je laisse aux islamologues.
Ibrahim Tabet
Mars 2015