Monday, April 13, 2020


De  l’immortalité de l’âme.  .

 Face aux mystères de l’univers les hommes n’ont pu que se livrer à des conjectures sur ce qui est au delà de leur savoir.  Seules instances à avoir répondu durant des millénaires à la question du sens, les religions ont  également pour fonction de conjurer  l’angoisse de la mort  faisant miroiter une promesse de vie éternelle ici-bas ou dans l’au-delà. Les premiers indices de la tentative de nos ancêtre de conjurer le spectre de la mort furent  la découverte de cadavres enterrés en position fœtale par l’homo sapiens il y a environ cent mille ans. Les objets trouvés autour des corps des défunts attestent de l’idée qu’il existait une nouvelle vie après la mort. Inspirée  de textes sumériens, l’épopée de Gilgamesh raconte la vaine quête d’immortalité de ce roi légendaire. Elle est une illustration de la condition humaine définie par l’inéluctabilité de la mort. La religion égyptienne avait pour enjeu fondamentale la question de la survie après la mort. Cette préoccupation explique pourquoi les anciens Égyptiens pratiquaient la momification et ont accordé  autant d’importance aux demeures des morts qu’à celles des dieux.  Dans le védisme antique le soma était une boisson d’immortalité. En   Grèce Pythagore est le premier philosophe  à formuler l’idée d’une séparation entre le corps et l’âme, d’  découle la croyance en l’immortalité de l’âme.   

  Les premières religions étaient à l’ origine  principalement orientées vers l’ici-bas. Accomplir des rites conformes aux commandements de la religion ayant pour fonction d’éviter le courroux des dieux  ou de s’attirer leurs faveurs ; de  produire des résultats espérés en termes de santé, de prospérité, de bonheur ou de victoire. Puis, au  bout d’une longue maturation, se produisit, autour du  Vie siècle avant notre ère,  un tournant moral dans l’histoire des croyances avec l’apparition concomitantes, en Grèce, au Proche-Orient et en Asie.  de philosophies et de religions introduisant la notion de salut individuel. Pour les Hébreux  récompenses et châtiments étaient des choses d’ici-bas. Le bonheur était promis par Dieu à ses fidèles dès la vie terrestre et non dans un lointain au-delà. Celui-ci était un vague séjour des morts, le shéol,  cesse de vivre l’être de chair et les  bons et les méchants  sont mélangés. Ce n’est que dans le judaïsme tardif après l’exil a Babylone où il entra en contact avec le mazdéisme, qu’apparaissent l’idée que l’homme n’est pas puni ou récompensé sur terre mais dans l’au-delà et les notions d’une existence post mortem et de la résurrection des morts.  Juifs,  chrétiens et musulmans adhérent à  la foi en un  seul Dieu, transcendant,  omnipotent,  créateur  de toute chose et éthique  et  à  l’idée de  l’immortalité de l’âme.  Croyant  à  l’existence de l’enfer et du paradis elles font  dépendre de la conduite ici-bas le salut  dans l’au-delà. De son coté le bouddhisme  a attaché une signification morale à l’antique religion  brahmanique dont la spiritualité se situait au-delà du bien et du mal. Il maintien la croyance en la métempsychose et au cycle des réincarnations. Les bons sont sensés se réincarner dans des êtres supérieurs et les mauvais dans des êtres inférieurs. Et  il indique la voie qui permet d’échapper à la loi du cycle infernal de naissances et de renaissances  et d’accéder au nirvana. Si tant est que l’enfer existe est-il vraisemblable que l’on soit éternellement damné pour des actions menées au cours d’une vie aussi éphémère sur terre ? Pour nuancer l’inéluctabilité d’un tel sort,  l’Eglise catholique a inventé la notion de purgatoire. Dans l’idée de réincarnation il y a au moins  la consolation d’avoir une seconde chance. Et je préfère de loin à l’enterrement la pratique de la crémation   les cendres se dissipent dans l’atmosphère.
Pour   la  gnose  et la philosophie  néoplatonicienne  les âmes individuelles qui émanent de l’Ame universelle et procèdent du Tout  sont prisonnières du corps qui est une  dégradation  matérielle de la Lumière primordiale.  Ce n’est qu’en abandonnant notre corps que nous pouvons faire un avec l’Etre suprême.  Ces conceptions sont proches de celles des grandes religions. Parmi les voies spirituelles  pour atteindre cette libération figurent  le renoncement hindouiste au monde,  l’extinction des désirs ouvrant l’accès au nirvâna bouddhiste  ou l’ascèse  pratiquée par les mystiques soufis et chrétiens.  Pour les  religions monothéistes  les    justes  rejoindront Dieu dans l’au-delà  après leur mort.  Mais  selon  le credo   chrétien de  la résurrection des corps (ou de la chair)  à  la fin des temps,  c’est  avec leur enveloppe charnelle qu’ils jouiront de  la vie éternelle.  Outre son invraisemblance qui a donné lieu à  de nombreuses exégèses   (ressusciterons –nous dans nos corps d’adolescents,   dans nos corps décatis  de vieillards si le sort nous a prêté longue vie,  ou dans nos corps spirituels ?) cette  croyance   n’est-elle pas  contraire  à la   conception de l’âme,  dotée  seule de l’immortalité  et d’une étincelle divine ?  Et que dire de  la description coranique   d’un paradis idyllique    les combattants  pour la foi seront accueillis par des houris vierges et lascives ?   Il faut sans doute  situer ces deux visions  dans le contexte des époques   crédules    elles ont été formulées.   C’est le cas particulièrement  de celle du Coran qui est typique des  sociétés patriarcales la femme est tenue pour une créature  inférieure.   
A quel moment l’espèce homo a-t-elle été pourvue d’une âme immortelle dont ses ancêtres singes étaient privés ? Nous savons aujourd’hui, que la  forme supérieure de  conscience dont l’homme est doté est l’aboutissement d’une longue évolution  qui  a pour origine les particules élémentaire issues du « big bang ». Cela pose la question fondamentale de la relation entre le corps humain, en particulier le cerveau,  et l’esprit au sujet de laquelle s’opposent d’une part  le dualisme et le monisme et d’autre part l’idéalisme et  le matérialisme philosophiques.  Pour les philosophes matérialistes l’esprit n’est autre qu’un processus physique. Tandis que dans Matière et esprit, Henri Bergson  soutient une conception dualiste de l’être : l’esprit existe par lui-même. Ce n’est pas un produit de l’activité biologique du cerveau. Théorie qui sera démentie par la neuroscience selon laquelle la distinction entre matière et esprit est moins nette qu’on ne pensait.
Après la mort nos atomes s’éparpillent dans l’univers, pour se réincarner à l’infini, dans d’autres combinaisons, dans d’autres corps, plus ou moins solides, plus ou moins éthérés.  La  théorie  hindouiste de la métempsychose  serait-elle pour autant  moins invraisemblable que la vision judéo-chrétienne de l’au de-là ? Les atomes sont éternels, mais  cela veut-il dire que notre identité survive indéfiniment aux  multiples recompositions subies par les particules  qui furent notre moi ?  Se peut-il qu’il en reste quelques traces ? Que la mémoire de notre bref passage sur terre continue toujours d’habiter telle ou telle particule de matière disséminée dans l’univers, à la manière des fantômes habitant certaines vieilles demeures ?
Mai 2005