Wednesday, November 23, 2016

Vivre ensemble dans l’espace méditerranéen
                                                                                             


De l’Antiquité à l’époque de Philippe II,  le monde méditerranéen a longtemps occupé une place centrale dans l’histoire de l’humanité.  « Espace de  conflit, espace de  rêve », selon le titre d’un ouvrage de Georges Corm,  la Méditerranée fut à la fois  le berceau de grandes  civilisations et  des trois monothéismes. De tout temps, elle a été un environnement propice à l’épanouissement des hommes ainsi qu’au  développement de  la pensée, des arts,  de la littérature et des sciences.  De la philosophie grecque à la Renaissance italienne en passant par le droit romain elle  a vu la naissance de concepts qui ont forgé notre vision du monde. Mais aussi de nombreux affrontements de puissances visant à y défendre leurs intérêts ou  à  y étendre  leur domination ou leur religion. Aujourd’hui elle  est de nouveau   le théâtre  d’un  clivage profond  entre sa  rive nord et ses  rives sud et est. Alors que les riverains  de la « mare nostrum »  romaine faisaient partie d’une même civilisation, devenue chrétienne jusqu'à l’avènement de l’islam,  l’actualité semble malheureusement  donner raison à la prophétie auto réalisatrice  du choc des civilisations. Les Européens la voient surtout comme une voie de passage de flux migratoires indésirables,  voire de terroristes  menaçant sa  culture, ses valeurs  et sa sécurité.  Tandis que la montée de  l’islamisme radical  se traduit par un regain d’anti occidentalisme.  L’islamophobie et la haine des  jihadistes envers  les « croisés et les juifs » se nourrissent mutuellement. Et la dérive antidémocratique  de la Turquie condamne définitivement son adhésion à l’Union européenne.

Les  forums de dialogue interreligieux  et les initiatives visant à combler ce fossé d’incompréhension et à promouvoir la coopération entre pays riverains de Méditerranées, qu’elles soient de  nature  culturelle,  politique, ou économique,  n’ont pas manqué, quoique sans grand effet. Les principales  initiatives furent le processus de Barcelone engagé en 1995 et le projet mort-né d’Union pour la Méditerranée, lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy et définitivement enterré par le dévoiement du soi-disant  « printemps arabe ». Cela dit son échec est  également dû à  d’autres causes. Dont le fait que les pays du nord et de l’est de l’Union Européenne   qui y ont été associés sur l’insistance de l’Allemagne  n’y voyaient pas le même intérêt que la France qui en avait pris  l’initiative,  l’Italie ou l’Espagne. Ce dont il faudra sans doute  tenir compte à  l’avenir.

Le  fait que le promoteur de ce projet  soit devenu  un de ceux de l’intervention militaire occidentale en Libye, avec les conséquences désastreuses que l’on connaît,   montre à  quel point le fossé entre les deux rives de la Méditerranées s’est élargi. Malgré la prise de conscience de toutes les parties prenantes de l’ampleur de la crise,   aucune tentative sérieuse de relance de la coopération méditerranéenne et euro-arabe n’a été engagée depuis les « printemps arabes ». La responsabilité  de réduire les foyers de tensions et d’affrontements pour assurer la stabilité et la sécurité dans l’espace méditerranéen et euro-arabe  appartient certes d’abords aux Etats. Mais sans implication de la société civile, les politiques décidées « par le haut » ne peuvent qu’avoir un effet limité. L’absence de dialogue et d’implication de la société civile fut d’ailleurs l’une des raisons des échecs du Processus de Barcelone et de l’Union pour la Méditerranée.

Raison de plus pour laquelle la participation  de la société civile  à la réflexion et aux efforts en faveur du dialogue des cultures est plus que jamais nécessaire. C’est ce sujet que traitera notre table ronde sur « le vivre ensemble autour de l’espace méditerranéen  ». Choix qui se justifie non seulement par caractère d’actualité mais car elle se tient dans le cadre d’un événement francophone et dans une ville symbole de ce vivre ensemble. J’ai l’honneur de présenter nos deux  intervenants : le professeur Denis Fadda, président international de la « Renaissance Française dont la devise est précisément : «  culture, solidarité, francophonie ». Et  le professeur Antoine Courban co-auteur de la charte du vivre ensemble en Méditerranée.

               
Ibrahim Tabet
Salon du Livre Francophone de Beyrouth  
Table ronde du 11 novembre 2016