Vivre
ensemble dans l’espace méditerranéen
De l’Antiquité à
l’époque de Philippe II, le monde
méditerranéen a longtemps occupé une place centrale dans l’histoire de
l’humanité. « Espace de conflit, espace de
rêve », selon le titre d’un ouvrage de Georges Corm, la
Méditerranée fut à la fois
le berceau de grandes
civilisations et des trois
monothéismes. De tout temps, elle a été un environnement propice à
l’épanouissement des hommes ainsi qu’au
développement de la pensée, des
arts, de la littérature et des sciences. De la philosophie grecque à la Renaissance
italienne en passant par le droit romain elle
a vu la naissance de concepts qui ont forgé notre vision du monde. Mais
aussi de nombreux affrontements de puissances visant à y défendre leurs
intérêts ou à y étendre
leur domination ou leur religion. Aujourd’hui elle est de nouveau le
théâtre d’un clivage profond entre sa rive nord et ses
rives sud et est. Alors que les riverains de la « mare
nostrum » romaine faisaient partie
d’une même civilisation, devenue chrétienne jusqu'à l’avènement de
l’islam, l’actualité semble malheureusement
donner raison à la prophétie auto
réalisatrice du choc des civilisations.
Les Européens la voient surtout comme une voie de passage de flux migratoires
indésirables, voire de terroristes
menaçant sa culture, ses valeurs et sa sécurité. Tandis que la montée de
l’islamisme radical se traduit par
un regain d’anti occidentalisme. L’islamophobie et la haine des jihadistes envers les « croisés et les juifs » se
nourrissent mutuellement. Et la dérive antidémocratique de la Turquie condamne définitivement son
adhésion à l’Union européenne.
Les
forums de dialogue interreligieux et les initiatives visant à
combler ce fossé d’incompréhension et à promouvoir la coopération entre pays
riverains de Méditerranées, qu’elles soient de nature culturelle,
politique, ou économique, n’ont pas manqué, quoique sans grand effet.
Les principales initiatives furent le
processus de Barcelone engagé en 1995 et le projet mort-né d’Union pour la
Méditerranée, lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy et définitivement enterré par
le dévoiement du soi-disant « printemps arabe ». Cela dit son
échec est également dû à d’autres causes. Dont le fait que les pays du
nord et de l’est de l’Union Européenne
qui y ont été associés sur l’insistance de l’Allemagne n’y voyaient pas le même intérêt que la
France qui en avait pris
l’initiative, l’Italie ou
l’Espagne. Ce dont il faudra sans doute tenir compte à l’avenir.
Le
fait que le promoteur de ce projet soit
devenu un de ceux de l’intervention militaire occidentale en Libye, avec
les conséquences désastreuses que l’on connaît, montre à quel
point le fossé entre les deux rives de la Méditerranées s’est élargi. Malgré la
prise de conscience de toutes les parties prenantes de l’ampleur de la crise, aucune tentative sérieuse de relance de la
coopération méditerranéenne et euro-arabe n’a été engagée depuis les
« printemps arabes ». La responsabilité de réduire les foyers de tensions et
d’affrontements pour assurer la stabilité et la sécurité dans l’espace
méditerranéen et euro-arabe appartient
certes d’abords aux Etats. Mais sans implication de la société civile, les
politiques décidées « par le haut » ne peuvent qu’avoir un effet
limité. L’absence de dialogue et d’implication de la société civile fut
d’ailleurs l’une des raisons des échecs du Processus de Barcelone et de l’Union
pour la Méditerranée.
Raison de
plus pour laquelle la participation de
la société civile à la réflexion et aux
efforts en faveur du dialogue des cultures est plus que jamais nécessaire.
C’est ce sujet que traitera notre table ronde sur « le vivre ensemble
autour de l’espace méditerranéen ». Choix qui se justifie non seulement
par caractère d’actualité mais car elle se tient dans le cadre d’un événement
francophone et dans une ville symbole de ce vivre ensemble. J’ai l’honneur de
présenter nos deux intervenants : le
professeur Denis Fadda, président international de la « Renaissance
Française dont la devise est précisément : « culture, solidarité,
francophonie ». Et le professeur
Antoine Courban co-auteur de la charte du vivre ensemble en Méditerranée.
Ibrahim Tabet
Salon du Livre Francophone de Beyrouth
Table ronde du 11 novembre 2016