La faillite d’un monde
L’histoire
du monde arabe depuis la chute de l’Empire ottoman n’est qu’une longue suite
d’échecs et de désillusions. La Nahda
a échoué car elle n’a pas débouché sur une réforme de l’islam. Ses élites ont
été écartées du pouvoir par les régimes socialo-militaires mis en place, peu
après l’indépendance, en Égypte,
en Irak et en Syrie. L’humiliation de la défaite arabe de 1967 face à Israël et
leurs piètres performances économiques achevèrent de les discréditer. Un
basculement se produisit alors à partir des années 1970-1980. Coïncidant avec
la chute du communisme, à la foi modèle et allié, il consacra l’échec du nationalisme arabe
unitaire et des régimes socialo-militaires de la région. Ces échecs ont ouvert
la voie à l’islamisme politique et au
fondamentalisme wahhabite soutenu par l’Arabie Saoudite. Tandis que les
mouvements chiites étaient soutenus par
les mollahs iraniens qui ont instauré en Iran la seule théocratie au monde.
Alors que la plupart des pays musulmans avaient restreint le domaine
d’application de la charia au droit de la famille, et adopté pour le reste des
lois modernes d’inspiration laïque, les mouvements islamistes se sont donné
pour objectif d’annuler ces réformes notamment l’émancipation juridique de la femme
effective dans certains pays. La vie intellectuelle et culturelle témoigne
d’une même régression.
Alors
que l’Asie est en voie de rattraper son retard économique et technologique sur
l’Occident et que la plupart des pays d’Amérique latine se sont converti à la démocratie,
le monde arabe est la région de la planète où, à l’exception
de l’Afrique subsaharienne, l’homme d’aujourd’hui a le moins de chance de
s’épanouir. Malheureusement pour eux, au lieu de le reconnaître, les Arabes ont
trop tendance à verser dans la théorie
du complot, attribuant leurs malheurs à
une mythique « conjuration américano-sioniste. » Agressions contre les coptes et retour des militaires
au pouvoir en Égypte. Bain de sang, atrocités et dérive jihadiste du soulèvement en
Syrie. Guerres civiles sectaires opposant les sunnites aux chiites en Irak
et aux alaouites en Syrie. Menace d’éclatement de ces deux
pays. Chaos tribal en Libye qui fait figure d’État failli. Fanatisme génocidaire et iconoclaste du prétendu « État
islamique ». Menace terroriste qu’il fait peser sur la région et
le monde. Epuration ethnique dont sont
victimes les communautés chrétienne et yazidi d’Irak.
Ces développements dramatiques sont le symptôme de deux crises plus
profondes qui se nourrissent mutuellement : la crise de l’islam, et la faillite
d’un monde arabe miné par ses divisions, l’absence d’état de droit et de
libertés et le bilan économique et social désastreux de régimes autoritaires et
corrompus. Ce sombre tableau semble
accréditer la thèse selon laquelle l’islam constitue un obstacle à la liberté, à la science et au développement économique.
Mais si tel est le cas comment se fait-il qu’il ait autrefois brillé dans ces
trois domaines ? Qu’un pays comme la Turquie, bien que dépourvu de pétrole
jouisse d’un régime démocratique et d’une croissance économique soutenue ?
Et que l’Iran ait atteins un niveau scientifique et technologique appréciable.
Ce qui amène à mettre en cause autant l’arabisme que l’islam. La question n’étant pas seulement : «
qu’est-ce-que l’islam a fait des Arabes, mais qu’est-ce-que les Arabes ont fait
de l’islam
Ibrahim
Tabet
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