Sunday, June 28, 2015

La faillite d’un monde    
L’histoire du monde arabe depuis la chute de l’Empire ottoman n’est qu’une longue suite d’échecs et de désillusions. La Nahda a échoué car elle n’a pas débouché sur une réforme de l’islam. Ses élites ont été écartées du pouvoir par les régimes socialo-militaires mis en place, peu après l’indépendance, en Égypte, en Irak et en Syrie. L’humiliation de la défaite arabe de 1967 face à Israël et leurs piètres performances économiques achevèrent de les discréditer. Un basculement se produisit alors à partir des années 1970-1980. Coïncidant avec la chute du communisme, à la foi modèle et allié,  il consacra l’échec du nationalisme arabe unitaire et des régimes socialo-militaires de la région. Ces échecs ont ouvert la voie à  l’islamisme politique et au fondamentalisme wahhabite soutenu par l’Arabie Saoudite. Tandis que les mouvements chiites étaient  soutenus par les mollahs iraniens qui ont instauré en Iran la seule théocratie au monde. Alors que la plupart des pays musulmans avaient restreint le domaine d’application de la charia au droit de la famille, et adopté pour le reste des lois modernes d’inspiration laïque, les mouvements islamistes se sont donné pour objectif d’annuler ces réformes  notamment l’émancipation juridique de la femme effective dans certains pays. La vie intellectuelle et culturelle témoigne d’une même régression.
Alors que l’Asie  est en voie de  rattraper  son retard économique et technologique sur l’Occident et que la plupart des pays d’Amérique latine se sont converti à la démocratie,  le  monde arabe est la région de la planète où,  à   l’exception de l’Afrique subsaharienne, l’homme d’aujourd’hui a le moins de chance de s’épanouir. Malheureusement pour eux, au lieu de le reconnaître, les Arabes ont trop tendance à  verser dans la théorie du complot, attribuant  leurs malheurs à une mythique « conjuration américano-sioniste. »  Agressions contre les coptes et retour des militaires au pouvoir en Égypte. Bain de sang, atrocités et dérive jihadiste du soulèvement en Syrie.  Guerres civiles sectaires opposant les sunnites aux chiites en Irak et aux alaouites en Syrie. Menace d’éclatement de ces deux pays.  Chaos tribal en Libye qui fait figure d’État failli. Fanatisme génocidaire  et iconoclaste du prétendu « État islamique ».  Menace  terroriste qu’il fait peser sur la région et le monde.  Epuration ethnique dont sont victimes les communautés chrétienne et yazidi d’Irak.   
Ces développements dramatiques  sont le symptôme de deux crises plus profondes qui se nourrissent mutuellement : la crise de l’islam, et la faillite d’un monde arabe miné par ses divisions, l’absence d’état de droit et de libertés et le bilan économique et social désastreux de régimes autoritaires et corrompus.  Ce sombre tableau semble accréditer la thèse selon laquelle l’islam constitue un obstacle à la liberté, à la science et au développement économique. Mais si tel est le cas comment se fait-il qu’il ait autrefois brillé dans ces trois domaines ? Qu’un pays comme la Turquie, bien que dépourvu de pétrole jouisse d’un régime démocratique et d’une croissance économique soutenue ? Et que l’Iran ait atteins un niveau scientifique et technologique appréciable. Ce qui amène à mettre en cause autant l’arabisme que l’islam.  La question n’étant pas seulement : «  qu’est-ce-que l’islam a fait des Arabes, mais qu’est-ce-que les Arabes ont fait de l’islam 

Ibrahim Tabet 

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