Friday, November 2, 2018


Une république bananière en état de décomposition avancée
   Le Liban aucune réforme sérieuse n’a été entreprise depuis la présidence du général Fouad Chéhab  fait figure de pays irréformable et gangrené par la corruption.   Il occupe le 143e rang sur 180 pays du monde au classement 2017 de l’indice de perception de la corruption, publié dans le rapport annuel de Transparency International (TI). Le dicton « un poisson pourrit par la tête » s’applique malheureusement au pays où  la corruption   sévit parfois au   sommet de l’Etat et où certains des principaux leaders politiques des communautés  ne s’entendent que pour faire main basse sur les fonds publics. Les montants représentés par cette grande corruption sont bien plus considérables que les pots de vins versés au menu-fretin des fonctionnaires. Comment peut-on demander à un fonctionnaire qui est au bas de la hiérarchie de l'administration publique de ne pas accepter de pots-de-vin lorsqu'il voit ce qui se passe au-dessus de lui ? Le système confessionnel qui fait que toute mise en cause d’un politicien ou d’un haut-fonctionnaire soit considérée comme étant dirigée contre sa communauté, explique en grande partie la totale impunité dont jouissent les corrompus. Il existe certes des politiciens, des fonctionnaires et des magistrats intègres, mais ils sont impuissants face à  l’absence de  réelle volonté politique de lutte conte la corruption. Il en est de même  de la justice et des organismes de contrôle comme la Cour des comptes ou  l’inspection centrale qui ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Quant à la nomination d’un ministre de la lutte contre la corruption au sein du gouvernement sortant, ce n’est que de la poudre aux yeux. Depuis l’élection du président Aoun -  qui avait traité ses adversaires politiques « d’association de malfaiteurs » quant il était dans l’opposition - la situation du Liban est toujours aussi calamiteuse, bien qu’elle ne date pas de son mandat. C’est ainsi par exemple que, plus de 27 ans après la fin de la guerre, les citoyens ne bénéficient  toujours pas d’une électricité 24h/24 fournie par l’Etat, alors que depuis dix ans, le ministère de l’énergie est aux mains du Courant patriotique libre (CPL). Le  cumul des déficits dans ce domaine depuis la fin de la guerre est estimé à 30 milliards de dollars, plus du tiers de la dette publique ! L'hémorragie financière de l'Electricité du Liban se situe actuellement autour 1,5 milliard $/an. Un rapport de l'administration en charge des appels d'offres concernant une nouvelle location de deux centrales électriques flottantes, dont le coût est estimé à 1,7 milliards de dollars pour deux ans, dans le cadre d'un énième plan électricité présenté par le ministre actuel de l'Energie, recommande au gouvernement de rejeter les offres retenues à cause de nombreuses irrégularités, le manque de clarté et de transparence, et le non-respect des règlements en vigueur. Mais sa recommandation a été ignorée alors que les montants dépensés depuis la location de ces navires auraient permis l’acquisition d’une centrale électrique. Et ce ministre à commencé  par rejeter une offre de la firme Siemens susceptible de résoudre le problème de l’électricité du pays avant de  se raviser suite aux révélations d’un ancien ministre du parti Amal dont, ironiquement,   certains dirigeants sont eux même pointés du doigt dans les médias pour corruption. Tandis  que, quand le ministère des Finances était aux mains du Courant du Futur,  l’Etat n’avait pas de budget,  et qu’il existe des zones de non droit régies par l’Etat dans l’Etat du Hezbollah dont la plupart des habitants ne paient pas leur facture d’électricité.  Un autre scandale imputable à la mafia au pouvoir est celui des déchets qui n’est toujours pas résolu malgré le  vain mouvement de protestation de la société civile représentée par le collectif « Vous puez ». Signe de son impuissance il n’a réussi à faire élire qu’un seul de ses candidats aux dernières élections législatives.    
   Les principaux responsables des scandales comme ceux de l’électricité, des déchets, des télécommunications  ou des douanes sont connus et les politiciens  eux-mêmes jettent des accusations à  la figure de leurs adversaires en oubliant leur propre turpitude ou celle des membres de leur parti, mais rien ne change. Le népotisme le clientélisme, les  violations des règles d'attribution des marchés publics  et l'opacité, des commissions occultes sévissent de plus belle. Les services publics continuent de se dégrader et  la dette publique atteint un niveau abyssal. Deux  lois sur l’accès à l’information et sur la protection des lanceurs d’alerte viennent certes d’être votées. Elles devraient en principe permettre à des journalistes d’investigation de dévoiler, preuves à l’appui, des faits de corruption et leurs auteurs. Et un amendement  de la loi sur l’enrichissement illicite a été soumis  au Parlement. Tout aussi importants et attendus  sont  la création de la Commission pour la lutte contre la corruption, la loi  sur la réorganisation de la Cour des comptes,  celle relative à l'Inspection centrale, ainsi que l'amendement des textes régissant les marchés publics et le fonctionnement de la Direction générale des adjudications. Mais en l’absence d’une justice indépendante, elles risquent de rester lettres mortes.  Et  les expériences passées ont montré une tendance chez les politiques à trouver, par tous les moyens,  des entourloupes pour contourner ou violer la loi. La tenue à Paris de la conférence économique pour le développement du Liban (CEDRE) pourrait représenter une lueur d’espoir  dans la mesure    les montants alloués sont assujettis à des engagements de réformes, de transparence  et de bonne gouvernance et    elle ouvre la voie à des partenariats publics privés (PPP). Autorisés par une   loi  créant un Haut comité pour les privatisations et les PPP  qui vient d’être enfin votée après avoir été bloqués pendant dix ans, ces derniers devraient permettre une meilleure gestion de certains services publics. Et le projet d’instauration d’un système de gouvernement électronique visant à rendre les services publics fournis par l’administration plus accessibles devrait contribuer à limiter la corruption. Mais le blocage et les tiraillements dans la formation du gouvernement risquent de compromettre leur  mise en œuvre. Aux dernières nouvelles, l’Irak qui vient sortir de conflits sanglants ayant laissé de profondes déchirures entre ses communautés aura la semaine prochaine un gouvernement représentant toutes ces communautés, alors que les politiciens libanais continuent de se disputer autour du partage des portefeuilles ministériels, ou plutôt des dépouilles d'un Etat en déliquescence, rongé par la corruption, et sur lequel plane le spectre de la banqueroute. Le gouvernement de l'Irak qui compte 38,5 millions d'habitants aura 15 ministres  alors qu'il est prévu que celui le Liban qui en compte 5 millions en aura 30 !   Quant  a celui de l’Allemagne qui compte 82 millions d’habitants et a un PIB 80 fois  supérieur à  celui du Liban il en a 16. !
Ibrahim Tabet

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