Monday, November 26, 2018


 La Francophonie, l’anglais et le défi du numérique.
Table ronde de la Renaissance Française  - délégation du Liban -  au Salon du Livre francophone de Beyrouth 2018. .

     Premier à prendre la parole, Ibrahim Tabet (modérateur et président de la délégation libanaise de la Renaissance Française)  a présenté l’association qui a  pour but  de participer au rayonnement de la langue française,  ainsi que de la culture et des valeurs de la francophonie.   Il a tenu ensuite à saluer l’action de l’Institut français pour promouvoir  la diversité culturelle et les talents locaux. Pour lui «  le succès du salon francophone du livre de Beyrouth témoigne de la vitalité de la francophonie au Liban.  » […] « La francophonie est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis : notamment la révolution numérique, la mondialisation qui diffuse partout les produits de la culture de masse américaine, et l’hégémonie de l’anglais qui affecte le statut du français comme langue internationale. Certes, pour la plupart de ses locuteurs, hors des pays anglo-saxons, l’anglais n’est qu’une langue outil réduite à sa plus simple expression. Mais, bien que le français soit  d’avantage une langue de culture, force est de constater que, sauf en Afrique, il enregistre un certain recul dans les   pays il n’est pas la langue natale. Cela, malgré l’action du réseau des Instituts Français et la contribution des organisations de la société civile qui militent dans le même sens. »
    […]  « Au sein de l’hexagone, leur langue n’est pas menacée, la plupart  des Français se  sentent, moins concernés par la défense de la francophonie que, par exemple, les  Québécois, les Wallons et beaucoup de Libanais francophones. C’est aussi le cas des  firmes multinationales françaises dont la communication interne se fait en anglais, mais aussi d’institutions comme les universités qui font de plus en plus place à l’anglais pour attirer des étudiants étrangers. Tandis que les géants américains de l’Internet favorisent la diffusion de l’anglais à travers le monde.   Quant à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), elle s’est éloignée de son cœur de  mission qui est linguistique et culturel et s’est transformée en une organisation politique regroupant majoritairement des pays  non francophones. »  
                           
   Se demandant si « la francophonie est une passion française », M. Marcel Laugel, ancien ambassadeur de France et écrivain, déplore le fait que « la France métropolitaine donne bien souvent l’image d’ignorer la francophonie ». « On peut être consterné de découvrir des politiques français qui ont recours à l’anglais dans leurs déclarations officielles. Cependant, défendre le champ d’influence de la langue française, comme le note Jacques Attali en économiste, constitue un enjeu absolument stratégique pour l’avenir.»  Pour lui, « le Liban, fort heureusement, ne suit pas cette voie ». […] « L’Ambassade de France, de son côté, travaille pour développer la francophonie et agit de manière significative dans le domaine éducatif. Le dispositif français à travers le monde, scolarise 70.000 élèves libanais, dont 10.000 à l’extérieur du pays, soit 20 % des effectifs du réseau français à l’étranger. Et sur un million d’enfants scolarisés au Liban, 53% apprennent la langue de Molière. Enfin c’est au Liban que se trouve le principal vivier du professorat francophone dans le monde. M. Rispoli, Conseiller d’action culturelle chargé de l’Audio-visuel, se félicite sur ce plan du réseau d’écoles homologuées par la France et se réjouit du vecteur culturel et intellectuel qu’est la langue française incarné par le succès à Beyrouth du livre francophone. Le président  Emmanuel Macron, caresse le projet de doubler le nombre d’élèves des réseaux français dans le monde. Exprimant son souhait de promouvoir le Français dans les échanges et les institutions internationales, comme l’ONU et l’Union européenne, il a ajouté que l’anglais est devenu une langue de consommation, alors que le français est une langue de création. »     
   
   Pour Farid Chéhab,  qui vient de signer son dernier ouvrage « Un pont sur le XXIe siècle » : « le numérique  signifie un changement de paradigme total dans notre façon de penser, d’agir, de créer, de produire et plus simplement de vivre ». A l’ère du numérique, les élèves n’ont plus besoin d’accumuler des connaissances qu’ils trouvent facilement sur le Net. Il s’agit de former des têtes bien faites, plutôt que bien pleines. Il qualifie de « fondamentalistes de la  francophonie »   ceux qui s’accrochent  à la pureté de la  langue française, dans son sens littéral,  bâti sur son héritage littéraire et sa grammaire, et  refusent l’idée d’une évolution nécessaire imposée par le nouveau langage numérique du monde. « En admettant que la barrière de la langue tombe, nous les francophones pouvons adopter une attitude défensive ou ambitieuse », déclare t-il. : «  L’attitude défensive constitue à mener un combat d’arrière garde pour défendre l’utilisation et la pureté de la langue  française. L’attitude ambitieuse à considérer  que, plus qu’une langue, la francophonie est une culture faite de liberté, d’humanisme et de valeurs : l’esprit francophone. »  […] « Soyons les champions de la liberté dans un monde des hommes utilisent le numérique pour nous asservir. Aujourd’hui, la révolution informatique et biologique remet en question les droits de l’homme. Il faut les réactualiser dans le nouveau contexte et les adapter aux nouvelles exigences créées par la technologie. Le numérique est lui-même à la recherche de solutions en bioéthique, et  protection des données personnelles.  La francophonie peut être la championne de cette nouvelle mission. » 
     
    Romancière et journaliste, Jocelyne Awad a abordé le sujet de la crise du livre et de la lecture.   Pour elle, le secteur livre en France a remonté la pente et le livre numérique a le vent en poupe.  En 2017, plus de 356 millions de livres ont été vendus dans l’Hexagone (avec 9% de livres numériques de plus qu’en 2016). Par contre au Liban, la lecture a régressé plus qu’en Occident. La grande majorité des 15 -25 ans lit de moins en moins. En général, les gens se sont de plus en plus habitués à l’information courte et aux articles à lire en vitesse. Les grands lecteurs sont les femmes et les plus de 50 ans. Le livre est cher. Le monde de l’édition locale en français qui était florissant connaît un ralentissement.  Cependant, fait positif : de nombreux clubs de lecture francophones voient le jour à travers le pays. Les libanais lisent malgré tout en français 4 fois plus de livres en moyenne qu’au Maroc par exemple. Pour donner le goût de la lecture aux enfants, l’effort  des parents est indispensable. Quand il y a peu de livres à la maison, les enfants lisent moins. Il faut que dans l’esprit de l’enfant ou de l’adolescent, lire soit perçu comme une activité qui donne du plaisir. Ils aiment la bande dessinée, les romans policiers ou, d’aventure. Il n’est jamais trop tôt pour réveiller l’intérêt pour la lecture.

    Médiatrice, romancière et poète, Joëlle Cattan a défendu l’idée de  la francophonie comme identité. Pour elle, la Francophonie fait partie de notre identité, « une identité qui nous habite de l’intérieur, celle que nous avons dans l’être, parfois même dans nos gênes et nos veines » […] « Quelle que soit la définition donnée à la Francophonie, que celle-ci soit au sens stricto sensu du dictionnaire (qui parle habituellement le français), ou au sens large, c’est-à-dire d’un élan en faveur, de la défense  de la langue française, de  la diversité culturelle, et des  valeurs démocratiques. » […] « Nous ne cessons pas d’être francophones que nous soyons bilingues, trilingues, ou multilingues. Bien au contraire, les personnes parlant plusieurs langues, sont les plus grands défenseurs du français » […] « Au lieu de parler du danger du numérique, sachons l’utiliser  à bon escient pour en faire un tremplin, et non un problème. A nous de ne pas privilégier la lecture par survol, la communication par des émoticônes. A nous de convertir les défis  du numérique en opportunités, grâce à la  création -individuelle et collective- dans toutes ses expressions, et sous toutes ses formes. » Elle a conclu son allocution par un poème-profession de foi en faveur de la francophonie. 

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