Pour une renaissance Française
Justifié ou non, il existe aujourd’hui
un sentiment de déclin de la France. Partagé par une frange de l’opinion ainsi que des personnalités
politiques et des intellectuels comme Marine
Le Pen, Philippe de Villiers, Michel Onfray ou Éric Zemmour, il se traduit par la
progression de ce dernier dans les sondages, une droitisation de l’électorat et
l’écho rencontré par les chantres du souverainisme et du conservatisme moral
représenté par « La Manif pour tous ». Amplement relayé sur les
réseaux sociaux, il a fait l’objet de nombreux ouvrages et
articles, dont un dossier dans « Le
Point » ayant pour titre de couverture : « Peut-on (encore) éviter le déclin ?1 ».
A l’heure où l’on commémore le
cinquantième anniversaire de la
disparition du général de Gaulle, les années où, pénétré du sentiment de la grandeur de la
France, il présidait au destin du pays et les trente glorieuses ne sont plus qu’un
lointain souvenir. Oubliée
egalement l’époque où il pouvait affirmer : « La République est laïque,
mais la France est chrétienne ».
La France traverse depuis des années une crise multiforme, économique, sociale, sociétale et morale. Elle s’exprime de différentes manières: Qu’il s’agisse du recul de l’autorité de l’État et au sein de la famille et de l’école. De l’existence
de zones de non-droit. Du problème de
l’immigration africaine et maghrébine qui a dépassé le seuil de tolérance. De la
désindustrialisation entraînant un
chômage structurel. Du décrochage
économique de la France par rapport à l’Allemagne et aux pays du nord de
l’Europe, causé en partie par le poids excessif
des dépenses publiques. Enfin du « séparatisme musulman » (euphémisme
forgé par Emmanuel Macron) et du mouvement des Gilets jaunes qui révèlent la profondeur des clivages
de la société française. Le
modèle social français est à bout de souffle. D’un côté, les inégalités de richesse se creusent de
plus en plus, entraînant
un sentiment de déclassement de la part de beaucoup de Français appartenant aux classes
moyennes et populaires et aux régions périphériques ; de l’autre, une mentalité
d’assisté leur ayant valu d’être qualifiés de « Gaulois réfractaires »
par Emanuel Macron entrave toute velléité de réforme de l’État providence.
La chronique annoncée par Oswald Spengler du déclin de l’Occident est un thème
récurrent et ses nouveaux cassandres
dénoncent l’anémie des valeurs fondatrices de la civilisation occidentale.
C’est le cas de Michel Onfray qui,
dans Décadence2, retrace la naissance, la
croissance puis la sénescence
de la civilisation judéo-chrétienne, décrit le relâchement
moral affligeant l’Occident et prédit un sombre avenir à la France et à
l’Europe. Et d’Éric Zemmour qui, dans Le suicide français3, analyse la perte de valeurs qui caractérise la France depuis mai 68,
stigmatise l’islamo-gauchisme et,
surfant sur la crainte du péril islamiste et du « grand
remplacement » prédit que la France risque de connaitre le sort du Liban.
Désenchantement et relativisme culturel et moral
Les grandes idéologies laïques de
salut ici-bas (nationalisme, libéralisme, socialisme, communisme) dont la
naissance a autrefois été favorisée par « la mort de Dieu » sont
moribondes ou, comme le communisme, ont rejoint Dieu dans la tombe, créant un
vide de sens au sein de la société de consommation occidentale. Le relativisme culturel et moral, la
théorie du genre et la légalisation du mariage
pour tous, bien que pouvant passer pour des signes d’humanisme et de tolérance,
sapent en réalité les fondations de la société occidentale. « Nous ne
sommes pas, d’après Onfray, devant une négation critique des valeurs établies
mais devant leur dissolution dans une indifférence passive4 ».
Le
désenchantement à l’égard
des idéologies et le déclin du nationalisme, ou plutôt l’apparition en Europe
d’un nationalisme apaisé qui s’inscrit
dans « l’air du temps » se caractérise
par le relativisme où, parmi ses manifestations, aucune hiérarchie n’est
maintenant admise entre les cultures. Où ce n’est plus son héritage et son
identité que l’Europe met en avant, ce sont ses valeurs de respect, de
tolérance et d’ouverture, au risque de voir les fondements de sa civilisation
menacés par les migrants. Et où la dénonciation du colonialisme, de
l’antisémitisme et de l’islamophobie verse parfois dans un sentiment de
repentance et de culpabilisation.
On dirait que le
complexe de supériorité de « l’homme blanc » a fait place aujourd’hui
à un sentiment de honte envers lui-même et son histoire. J’en veux pour
exemples la déclaration d’Emmanuel Macron en visite en Algérie selon laquelle
« la colonisation est un « crime contre l’humanité » et
son intention de « déconstruire l’histoire de France » ! On peut se demander si ce syndrome d’auto-flagellation et de
repentance envers son héritage historique et son passé colonial est un signe de
bonne santé morale
Le vide de
sens et l’effondrement de la morale religieuse au sein des sociétés libérales
postmodernes se traduisent par un individualisme, un hédonisme, une
permissivité et un matérialisme qui exercent un effet corrosif sur les valeurs
qui fondaient la vie familiale et en société. Pour le
courant philosophique déconstructiviste, toute norme
sociale est construite, la loi naturelle n’existe pas. Puisque tout est
construit et qu’il n’y a ni bien ni mal, aucune barrière ne se justifie devant
les pulsions du désir. Cette idéologie a prospéré dans le nihilisme
consumériste qui a donné naissance à la
théorie du genre et à la légalisation de
l’avortement, mesure fondamentale qui a fissuré la famille et défini le bonheur
individuel comme norme absolue. Le PACS fut le second coup porté à la famille,
avant le mariage homosexuel, la PMA et bientôt la GPA. L’on peut se
demander si des lois comme celle légalisant l’adoption d’enfants par des couples
du même sexe constituent une avancée des libertés ou une dérive libertaire.
Pour Philippe de Villiers : « l’autorité,
l’identité, la souveraineté se sont écroulés. La cancel culture, le
radicalisme, l’indigénisme désignent une colonisation de peuplement avec un
différentiel démographique défavorable et une colonisation des esprits5.
» .
Le virus du communautarisme
Alors que la
République française considère que le communautarisme est une idéologie
pernicieuse et ne reconnaît que les individus, elle se heurte de
plus en plus à des revendications particularistes de la part de milieux
islamistes gagnés par la
propagande salafiste, contraignant
certains édiles à la « soumission » à leurs exigences. Certains d’entre
eux allant même jusqu'à bannir les
symboles chrétiens des espaces et des lieux
publics. Alors que le modèle français a réussi à assimiler les vagues
successives d’immigrés chrétiens ou d’origine européenne partageant les mêmes
valeurs, il peine à le faire avec les musulmans. Bien qu’une majorité d’entre
eux se soit intégrée, une partie, surtout parmi la jeunesse des
banlieues, s’estimant défavorisée, ne l’est pas, ou plutôt refuse de l’être.
Des communes de certains départements ont été ainsi qualifiées de
« territoires perdus de la République ». Des bandes de casseurs
expriment leurs frustrations et leur rancœur envers l’ancienne puissance
coloniale en saccageant des commerces et en brûlant des voitures. L’image de la profanation de l’Arc de triomphe
par des Black-box lors des manifestations des Gilets jaunes a choqué le monde.
Et la France est le pays européen
le plus visé par le terrorisme
islamiste. Ce défi sociétal, doublé d’une menace
sécuritaire a fait l’objet de nombreuses mises en garde et a été décrit dans un
ouvrage intitulé « Vers la
libanisation de la France6 »
La voie d’une renaissance
Malgré cette
crise multiforme et en dépit du discours décliniste, les Français jouissent d’une qualité de vie et
surtout d’une protection sociale enviables, même comparées aux autres pays
développés. Ce qu’exprime la boutade selon laquelle « ils se
croient en enfer alors qu’ils vivent au paradis ». Le rayonnement culturel
de la France dépasse les frontières du monde
francophone. Disposant d’un siège permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU et du feu nucléaire, elle reste une
puissance moyenne de premier plan, sans doute la première après les États-Unis, la Chine et la Russie ; en tout cas celle qui fait preuve de plus
d’activisme en politique extérieure.
Elle
risque toutefois de perdre son rang faute de réformes structurelles, économiques
et sociales, parmi lesquelles la réhabilitation de la valeur travail, prônée
par Nicolas Sarkozy et minée par
l’instauration des 35 heures par la
Gauche. Surtout faute d’une véritable renaissance morale et culturelle. Malgré
la part de vérité du diagnostic d’un Éric Zemmour sur le « mal
français » et le problème de l’immigration, cette renaissance ne
saurait passer par une adhésion à ses thèses racialistes et xénophobes. Elle devrait
être fondée sur les valeurs universalistes héritées des Lumières dont
s’inspirent celles de « La Renaissance française ». Association
fondée en 1915 par Raymond Poincaré dans l’atmosphère patriotique de la Grande
guerre et ayant pour mission de défendre et de promouvoir la langue et la culture française
et les valeurs de la francophonie, elle a un rôle naturel à jouer dans ce
combat culturel.
Ibrahim Tabet
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