Sunday, January 9, 2022

 

 

                                                     

Pour une renaissance Française

  Justifié ou non, il existe aujourd’hui un sentiment de déclin de la France. Partagé par  une frange de l’opinion ainsi que des personnalités politiques et des intellectuels  comme Marine Le Pen, Philippe de Villiers, Michel Onfray ou Éric Zemmour, il se traduit par la progression de ce dernier dans les sondages, une droitisation de l’électorat et l’écho rencontré par les chantres du souverainisme et du conservatisme moral représenté par « La Manif pour tous ». Amplement relayé sur les réseaux  sociaux,  il a fait l’objet de nombreux ouvrages et articles, dont un dossier dans « Le Point » ayant pour titre de couverture : « Peut-on (encore) éviter le déclin ?1 ». A l’heure où l’on commémore le cinquantième anniversaire de la disparition du général de Gaulle, les années où,  pénétré du sentiment de la grandeur de la France, il présidait au destin du pays et les trente glorieuses ne sont plus qu’un lointain souvenir. Oubliée egalement l’époque il pouvait affirmer : «  La République est laïque, mais la France est chrétienne ».

  La France traverse depuis des années une crise multiforme, économique, sociale, sociétale et morale. Elle s’exprime de différentes manières: Qu’il s’agisse  du recul de l’autorité de l’État et au sein de la famille et de l’école. De l’existence de zones de  non-droit. Du problème de l’immigration africaine et maghrébine qui a dépassé le  seuil de tolérance. De la désindustrialisation entraînant  un chômage structurel. Du  décrochage économique de la France par rapport à l’Allemagne et aux pays du nord de l’Europe, causé en partie par le poids excessif des dépenses publiques. Enfin du « séparatisme musulman » (euphémisme forgé  par Emmanuel Macron) et du  mouvement des Gilets jaunes qui révèlent la profondeur des clivages de la société française.  Le modèle social français est à bout de souffle. D’un côté, les inégalités de richesse se creusent de plus en plus, entraînant  un sentiment de déclassement de  la part de beaucoup de  Français  appartenant aux classes moyennes et populaires et aux régions périphériques ; de l’autre, une mentalité d’assisté leur ayant valu d’être qualifiés de « Gaulois réfractaires » par Emanuel Macron entrave toute velléité de réforme de l’État providence.

 

  La chronique annoncée par Oswald Spengler du déclin de l’Occident est un thème récurrent et ses nouveaux cassandres dénoncent l’anémie des valeurs fondatrices de la civilisation occidentale. C’est le cas de Michel Onfray qui, dans Décadence2, retrace la naissance, la croissance puis la sénescence de la civilisation judéo-chrétienne, décrit le relâchement moral affligeant l’Occident et prédit un sombre avenir à la France et à l’Europe. Et d’Éric Zemmour qui, dans Le suicide français3, analyse la perte de valeurs qui caractérise la France depuis mai 68, stigmatise l’islamo-gauchisme et,  surfant sur la crainte du péril islamiste et du « grand remplacement » prédit que la France risque de connaitre le sort du Liban.

 

 

Désenchantement et relativisme culturel et moral

 

  Les grandes idéologies laïques de salut ici-bas (nationalisme, libéralisme, socialisme, communisme) dont la naissance a autrefois été favorisée par « la mort de Dieu » sont moribondes ou, comme le communisme, ont rejoint Dieu dans la tombe, créant un vide de sens au sein de la société de consommation occidentale.  Le relativisme culturel et moral, la théorie du genre et la légalisation du mariage pour tous, bien que pouvant passer pour des signes d’humanisme et de tolérance, sapent en réalité les fondations de la société occidentale. « Nous ne sommes pas, d’après Onfray, devant une négation critique des valeurs établies mais devant leur dissolution dans une indifférence passive4 ». 

   Le désenchantement à l’égard des idéologies et le déclin du nationalisme, ou plutôt l’apparition en Europe d’un nationalisme apaisé qui  s’inscrit dans « l’air du temps »  se caractérise par le relativisme où, parmi ses manifestations, aucune hiérarchie n’est maintenant admise entre les cultures. Où ce n’est plus son héritage et son identité que l’Europe met en avant, ce sont ses valeurs de respect, de tolérance et d’ouverture, au risque de voir les fondements de sa civilisation menacés par les migrants. Et où la dénonciation du colonialisme, de l’antisémitisme et de l’islamophobie verse parfois dans un sentiment de repentance et de culpabilisation.

   On dirait que le complexe de supériorité de « l’homme blanc » a fait place aujourd’hui à un sentiment de honte envers lui-même et son histoire. J’en veux pour exemples la déclaration d’Emmanuel Macron en visite en Algérie selon laquelle « la colonisation est un « crime contre l’humanité »  et son intention de « déconstruire l’histoire de France » !  On peut se demander si  ce syndrome d’auto-flagellation et de repentance envers son héritage historique et son passé colonial est un signe de bonne santé morale

  Le vide de sens et l’effondrement de la morale religieuse au sein des sociétés libérales postmodernes se traduisent par un individualisme, un hédonisme, une permissivité et un matérialisme qui exercent un effet corrosif sur les valeurs qui fondaient la vie familiale et en société. Pour le courant philosophique déconstructiviste, toute norme sociale est construite, la loi naturelle n’existe pas. Puisque tout est construit et qu’il n’y a ni bien ni mal, aucune barrière ne se justifie devant les pulsions du désir. Cette idéologie a prospéré dans le nihilisme consumériste qui a donné naissance à la théorie du genre et à la légalisation de l’avortement, mesure fondamentale qui a fissuré la famille et défini le bonheur individuel comme norme absolue. Le PACS fut le second coup porté à la famille, avant le mariage homosexuel, la PMA et bientôt la GPA. L’on peut se demander si des lois comme celle légalisant l’adoption d’enfants par des couples du même sexe constituent une avancée des libertés ou une dérive libertaire. Pour Philippe de Villiers : « l’autorité, l’identité, la souveraineté se sont écroulés. La cancel culture, le radicalisme, l’indigénisme désignent une colonisation de peuplement avec un différentiel démographique défavorable et une colonisation des esprits5. »   .   

 

Le virus du communautarisme

 

 Alors que la République française considère que le communautarisme est une idéologie pernicieuse et  ne reconnaît que les individus, elle se heurte de plus en plus à des revendications particularistes de la part de milieux islamistes gagnés par la propagande salafiste, contraignant certains édiles à la « soumission » à leurs exigences.  Certains d’entre eux  allant même jusqu'à bannir les symboles chrétiens des espaces et des lieux publics. Alors  que le modèle français a réussi à assimiler les vagues successives d’immigrés chrétiens  ou  d’origine européenne partageant les mêmes valeurs, il peine à le faire avec les musulmans. Bien qu’une majorité d’entre eux se soit intégrée, une partie, surtout parmi la jeunesse des banlieues, s’estimant défavorisée, ne l’est pas, ou plutôt refuse de l’être. Des communes de certains départements ont été ainsi qualifiées de « territoires perdus de la République ». Des bandes de casseurs expriment leurs frustrations et leur rancœur envers l’ancienne puissance coloniale en saccageant des commerces et en brûlant des voitures.  L’image de la profanation de l’Arc de triomphe par des Black-box lors des manifestations des Gilets jaunes a choqué le monde. Et la France est le pays européen le plus visé par  le terrorisme islamiste. Ce défi sociétal, doublé d’une menace sécuritaire a fait l’objet de nombreuses mises en garde et a été décrit dans un ouvrage intitulé « Vers la libanisation de la France6 »  

 

La voie d’une renaissance

  Malgré cette crise multiforme et en dépit du discours décliniste,  les Français jouissent d’une qualité de vie et surtout d’une protection sociale enviables, même comparées aux autres pays développés. Ce qu’exprime la boutade selon laquelle « ils se croient en enfer alors qu’ils vivent au paradis ». Le rayonnement culturel de la France dépasse les frontières du  monde francophone. Disposant d’un siège permanent au  Conseil de sécurité de l’ONU et du feu nucléaire, elle reste une puissance moyenne de premier plan, sans doute la première après les États-Unis, la Chine et la Russie ;  en tout cas celle qui fait preuve de plus d’activisme en politique extérieure.

  Elle risque toutefois de perdre son rang faute de réformes structurelles, économiques et sociales, parmi lesquelles la réhabilitation de la valeur travail, prônée par Nicolas Sarkozy et  minée par l’instauration des 35 heures  par la Gauche. Surtout  faute d’une  véritable renaissance morale et culturelle. Malgré la part de vérité du diagnostic d’un Éric Zemmour sur le « mal français » et le problème de l’immigration, cette  renaissance ne saurait passer par une adhésion à ses thèses racialistes et xénophobes. Elle devrait être fondée sur les valeurs universalistes héritées des Lumières dont s’inspirent celles de « La Renaissance française ». Association fondée en 1915 par Raymond Poincaré dans l’atmosphère patriotique de la Grande guerre et ayant pour  mission  de défendre et de  promouvoir la langue et la culture française et les valeurs de la francophonie, elle a un rôle naturel à jouer dans ce combat culturel.           

 

Ibrahim Tabet

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