Thursday, June 22, 2017

Diversité des religions, similarité des voies mystiques  
Les religions n’ont pas la même conception de Dieu. Le Dieu trinitaire chrétien n’est pas celui du Coran ou de la Torah et le Dieu personnel des trois religions monothéistes n’est pas le Brahman, l’Absolu impersonnel de l’hindouisme qui coexiste avec des milliers de dieux dont ils sont l’émanation ; tandis que le bouddhisme est une religion sans Dieu, quoique féconde en déités. Ces différentes perceptions du divin et les traditions religieuses qu’elles ont créées ont été conditionnées par l’histoire, la culture et le langage des contrées elles sont nées.  Cela dit, au-delà de ces différences, toutes les religions adorent la même réalité divine, mais chacune à sa manière. Et il existe une parenté entre les voies des mystiques néoplatoniciens, juifs, chrétiens, musulmans, hindouistes, taôistes ou bouddhistes. Représentant la forme la plus élevée de spiritualité, la mystique est une quête personnelle du Dieu caché qui réside dans le cœur de chacun par la pratique d’une ascèse visant à se détacher du monde. Pour Plotin, philosophe mystique néoplatonicien, l’homme appartient par son corps à la matière illusoire mais il est par son âme, un fragment de l’Intellect suprême et du Logos créateur. Le salut pour lui ne peut résulter que de la reconnaissance de sa véritable nature qui n’est accessible que si l’on parvient à s’élever au dessus de la condition sensible jusqu'à l’extase, rencontre avec le divin, source de toute félicité vers lequel l’âme se fond après s’être purifiée. « J’essaye de faire remonter le divin qui est en nous au divin qui est dans l’Univers » furent ses dernières paroles.
A la fois philosophie et méthode de délivrance permettant d’échapper au cycle des réincarnations, le yoga joue un rôle central dans l’hindouisme. Soumission du corps dans un but spirituel, Il expose le cheminement du yogi en huit étapes à l’issue desquelles il redécouvre son identité avec le Brahman, ce qui constitue en soi la délivrance suprême.  Pour l’école philosophique du Vedanta, le soi (atman) est de même nature que le Brahman, la réalité ultime indifférenciée. Elle prône la théorie de l’unicité absolue et de l’équivalence de toutes les religions. Son plus grand maître, Ramakrishna,  a déclaré avoir atteint l'Absolu à travers chacune des grandes traditions mystiques, indiquant ainsi que pour lui, toutes les voies mènent à la même Réalité, une et indicible. Une de ses voies étant le bouddhisme Zen qui conduit à l’Eveil par la méditation assise dans la posture du Bouddha. Le taoïsme est une doctrine philosophique religieuse et mystique qui  conçoit le Tao  comme un principe cosmologique et un absolu suprasensible et ineffable auquel  on peut accéder à travers des techniques de maîtrise du souffle et de concentration, première étape d’un long processus comprenant une ascèse de plus en plus exigeante.
Dans le judaïsme la Kabbale est un courant ésotérique et mystique visant à déchiffrer le livre de la création du monde par le Dieu inconnaissable. En Occident les chrétiens furent plus lents à développer une tradition mystique comparée aux Byzantins et aux musulmans. Maître Eckhart développe une mystique métaphysique prônant un détachement de tout ce qui n'est pas Dieu. Pour lui, il s’agit de permettre à  l’homme de devenir par la grâce ce que Dieu est par nature. La part mystique et contemplative de la religion est plus grande dans l’orthodoxie que dans le catholicisme. La mystique orthodoxe trace ses origines dans l’expérience des Pères du désert de la purification de l’âme par la prière du cœur permettant la communion avec Dieu dans la solitude. Grande figure de la spiritualité monastique, saint Jean Climaque formule la doctrine de l’hésychasme : prière perpétuelle de l’âme s’adonnant à la contemplation, loin du monde dans le silence. A partir de là on peut parvenir à la parfaite indifférence aux choses de la terre, c’est l’ultime degré avant l’union avec Dieu. La mystique musulmane, le soufisme, est influencé par le monachisme chrétien, l’illuminisme persan, l’extase hindoue et  la kabbale juive. « L’état spirituel de baqâ (pure « subsistance » hors de toute forme), auquel aspirent les contemplatifs soufis, est le même que l’état de moskha, la  délivrance dont parlent les doctrines hindoues, comme l’extinction (al fanâ) de l’individualité, qui précède la « subsistance » est analogue au nirvâna. De même que dans le bouddhisme on s’élève par degré aux plus hauts points de l’anéantissement de l’individualité en suivant un chemin composé de huit parties, le « noble sentier », de même le soufisme a aussi son chemin, sa tariqa, avec des degrés de perfection. Il vise à revivre personnellement par la voie mystique (tarîqa) la vérité spirituelle du message du Prophète, au-delà de la donnée littérale de la Révélation (charia).  Il représente l’aspect ésotérique de l’islam, qui se distingue de l’islam exotérique au même titre que la contemplation directe des réalités spirituelles - ou divines - se distingue de l’observance des lois. L’amour tient une place centrale dans l’enseignement des maîtres soufis qui considèrent la station spirituelle qui y est associée comme une des plus insignes qui soient. Un autre élément commun à tous les soufis, est le zikr ou « invocation », qui consiste à se remémorer Dieu, notamment en répétant son nom de manière rythmée ou selon des formules traditionnelles tirées du Coran, telles que la shahada. Le zikr  est considéré comme une pratique purificatrice de l'âme, car on juge que le nom d'Allah possède une sorte de valeur théurgique Ardent mystique, Ibn Arabi développa une doctrine métaphysique reposant sur l’unicité absolue de l’Etre « Wahdat al woujud »  qui rejoint le monisme philosophique néoplatonicien et la doctrine hindouiste de la non-dualité entre le Tout, le Brahman, et l’individu qu’exprime le mantra « Tat Vam Asi » (« ceci est toi »).     

Ibrahim Tabet  

No comments:

Post a Comment