US go home ?
La déclaration surprenante de Donald Trump selon laquelle les troupes américaines présentes en Syrie devraient bientôt « rentrer à la maison » correspond ironiquement au slogan brandi par les manifestants hostiles aux Etats-Unis dans le monde arabe. Qu’elle soit conforme à la promesse de campagne du candidat Trump de placer « l’Amérique d’abord », ou serve de moyen de pression sur Riyad pour lui extorquer d’avantage de moyens destinés à financer le maintien des forces américaines sur place ne diminue en rien les effets négatifs et l’impression de confusion du signal qu’elle envoie. Prenant en quelque sorte acte de la défaite américaine et occidentale en Syrie, elle ne peut que réjouir les adversaires russe, iranien et syrien de Washington, dont elle fait le jeu, et inquiéter ses alliés : les monarchies arabes du Golfe qui redoutent la montée en puissance de l’Iran à qui un éventuel retrait américain offrirait un cadeau inespéré. Et surtout les Kurdes qui risquent d’être abandonnés à la merci de la Turquie après avoir servi de troupes supplétives contre l’Etat islamique. Appui aux Kurdes qui, autre effet pervers de la politique américaine, avait d’ailleurs jeté la Turquie, membre de l’OTAN, dans les bras de Moscou. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que les Etats-Unis lâchent leurs alliés, ni la première volte-face américaine concernant la guerre en Syrie. Barak Obama avait donné le ton en s’abstenant de mettre à exécution sa menace de bombarder le régime syrien après l’utilisation d’armes chimiques par ce denier. Survenant quelques jours après que l’ex secrétaire d’Etat Rex Tillerson et le général commandant du théâtre régional des opérations militaires (CENTCOM) aient affirmé la détermination des Etats-Unis à maintenir une présence militaire en Syrie, la déclaration intempestive du locataire de la Maison Blanche illustre son inconstance et les contradictions de la politique étrangère de l’administration Trump. La déplorable cacophonie qu’elle donne en spectacle souligne l’absence actuelle de doctrine américaine concernant la région qui fait presque regretter la grande époque d’un Kissinger, malgré le mauvais souvenir qu’il a laissé au Liban. Elle contraste cruellement avec la vision claire et la maîtrise du jeu d’un Vladimir Poutine ou d’un Xi Jin Ping sur l’échiquier géopolitique mondial. Donald Trump aurait pu faire le poids face à eux s’il écoutait les conseils mais il n’en fait qu’à sa tête comme en témoignent la valse de ses conseillers et ses nombreux revirements. Celui par exemple où, après avoir qualifié l’OTAN « d’organisation obsolète », il est revenu sur ses propos. Ou sa proposition de rencontrer le dictateur coréen Kim Jong-Un, après l’avoir traité de tous les noms d’oiseaux et avoir menacé d’atomiser son pays. Cette proposition constitue un cadeau à ce dernier comparable à celui qu’il ferait à l’Iran en cas de retrait des troupes américaines de Syrie ; alors même qu’il menace Téhéran de dénoncer l’accord sur le nucléaire : « le pire qui soit » selon ses dires. S’il a raison d’affirmer que cet accord n’a en rien diminué les visées expansionnistes de l’Iran, son hostilité viscérale à son égard vise à la fois à complaire à Israël et à monnayer sa protection des pétromonarchies du Golfe ce qui, en bon businessman, constitue une de ses priorités. « Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge. » Ce dicton pourrait s’appliquer aux alliés des Etats-Unis, ce qui n’est pas le cas de ceux de Moscou qui est autrement plus fiable à leur égard. Profitant des errements de la politique américaine, la Russie a effectué un retour fracassant au Moyen-Orient. Depuis son intervention militaire en Syrie, elle s’est imposée comme un acteur incontournable au Moyen-Orient et a réaffirmé son statut de grande puissance de premier plan. Avec le retour de la Russie et surtout la montée en puissance de la Chine, c’est l’ordre du monde nouveau qui s’ébauche. Ce qui ne serait pas une mauvaise chose, au vu du chaos que les Etats-Unis ont provoqué, notamment avec l’invasion de l’Irak, depuis que la chute de l’URSS les a propulsés au rang d’unique superpuissance.
Ibrahim Tabet
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