Francophonie et mondialisation culturelle : le cas
du Liban
Toute l’histoire du Liban, pays au confluent des
civilisations est placée sous le signe
du multilinguisme et du multiculturalisme. En inventant l’alphabet pour les
besoins de leurs échanges matériels et
immatériels avec les peuples de l’ancien
monde, les Phéniciens furent en quelque sorte des précurseurs
d’une mondialisation culturelle avant la lettre. Aujourd’hui cette mondialisation se traduit
par la diffusion planétaire de l’anglais et des produits de la culture de masse américaine que
mon ami et ancien associé Jacques Séguéla qualifiait de coca-colonisation
culturelle. Le Liban ne pouvait
évidemment y échapper. Comme partout ailleurs l’anglais tend à y devenir la langue des affaires. De même que par exemple les noms des banques locales et des enseignes de
magasins ont été anglicisés. Que l’anglais
ait envahi les affiches publicitaires. Ou
encore que la baie du Saint- Georges ait été rebaptisée
« Zaitouna bay » ; atteinte regrettable à mes yeux au patrimoine culturel de Beyrouth. Cela dit,
bien que le taux d’utilisation de l’anglais
ait sensiblement augmenté, cette
progression s’est moins faite au détriment qu’en complément de la langue de Molière. Et alors que
pour la majorité des libanais qui le pratiquent, l’anglais a surtout une
fonction utilitaire, le français le français est à la foi une langue de communication et de culture,
qui peut avoir une portée identitaire. Pour le père Selim Abou ancien recteur de
l’USJ : « les Libanais peuvent être trilingues. Mais ce qui a
contribué à forger leur identité nationale, c’est le français dans sa
conjonction étroite avec l’arabe. Aux côtés de l’arabe, langue nationale du pays, le français est vécu non seulement
comme une langue de communication, mais comme une langue de formation et de
culture à portée
identitaire. » La francophonie devient ainsi pour beaucoup
de libanais francophones à la fois un
des fondements de la spécificité
du Liban par rapport à son
environnement régional et un moyen d’affirmation de leur rejet de
l’uniformisation culturelle que tend a favoriser la mondialisation. Autres
signes encourageants : Le succès Le salon du livre français de Beyrouth,
ne se dément pas. L’édition locale de
livres en français est en progression. Et la liste des auteurs libanais ou
d’origine libanaise francophones s’enrichit chaque année de nouveaux noms. Cette vitalité et e de l’attachement
des Libanais à la francophonie témoignent t de son enracinement au Liban. Il n’y
a donc aucun risque que le français ne connaisse un jour le même sort qu’en Égypte qui comptait-il y a une génération à peine,
un nombre important de francophones.
Ibrahim Tabet : Mot
d’introduction à la conférence du
professeur Denis Fadda à l’Institut
français de Beyrouth le 11 septembre
2017
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